Le secteur des assurances en Tunisie affiche une progression régulière et se diversifie, avec un potentiel de développement encore considérable. Selon Sana Attig, directrice des assurances chez Deloitte Afrique Francophone, lors de son intervention aujourd’hui sur Express Fm, les primes d’assurance ont atteint en 2024 près de 3,8 milliards de dinars, en hausse de 11 % par rapport à l’année précédente; une tendance déjà observée depuis 2022 avec une croissance moyenne annuelle de 10 %. Dans le même temps, les indemnisations versées par les assureurs se sont élevées à 2 milliards de dinars, confirmant le rôle central du secteur dans le soutien aux ménages et à l’économie.
Un potentiel encore largement inexploité…
Le marché reste dominé par l’assurance automobile, qui représente 38 % des primes, mais d’autres branches prennent de l’ampleur. L’assurance santé progresse d’environ 10 % par an, tandis que l’assurance-vie et l’épargne pèsent déjà près de 30 % du marché, portées par des incitations fiscales et une évolution des comportements, notamment après la crise du Covid-19. Cette dernière a révélé la vulnérabilité des ménages et accéléré la prise de conscience de l’importance de la couverture.
Malgré ces avancées, la Tunisie reste loin des standards internationaux. Selon le live de Express Fm, le taux de pénétration des assurances y est d’environ 2,4 %, contre 7 % à l’échelle mondiale. La dépense annuelle moyenne par habitant atteint 315 dinars (environ 90 euros), contre près de 200 euros au Maroc et plus de 2 000 euros en Europe. Ce décalage illustre l’énorme marge de progression pour le secteur, notamment à travers l’élargissement de l’offre aux indépendants, aux très petites entreprises et au secteur informel.
De nouveaux défis apparaissent
Pour surmonter les difficultés liées à la distribution – particulièrement coûteuse en zones rurales ou auprès des populations non bancarisées – les compagnies doivent miser sur des produits plus simples et sur la digitalisation. L’exemple du constat électronique automobile illustre déjà cette transformation. Mais de nouveaux défis apparaissent : cybersécurité, gestion des données, intelligence artificielle, sans oublier l’impact du changement climatique. Les indemnisations liées aux incendies, par exemple, ont bondi de 20 % en 2025, en partie à cause de la sécheresse et des vagues de chaleur.
Le secteur ne se limite pas à un rôle d’amortisseur économique. Il participe aussi à la protection sociale, notamment via les assurances santé collectives, qui améliorent la couverture des employés et réduisent l’absentéisme. De plus, grâce aux primes collectées dans les contrats d’assurance-vie, les compagnies disposent de ressources financières à long terme, leur permettant d’investir dans des projets stratégiques et de soutenir l’économie nationale.
Enfin, la transformation du secteur s’accompagne d’une nécessaire adaptation des compétences. Les assureurs auront besoin de profils spécialisés en actuariat, cybersécurité, data science et intelligence artificielle. Pour Sana Attig, cette mutation ne pourra réussir qu’en s’appuyant sur un écosystème élargi associant assureurs, banques, fintechs et télécoms, afin de mieux adresser les besoins des populations et de gérer collectivement les nouveaux risques.