Chaque année, des milliers de tonnes de tomates marocaines traversent le détroit de Gibraltar pour rejoindre la plateforme logistique de Perpignan-Saint Charles International (SCI), point de chute majeur avant de rebondir vers d’autres marchés européens. Selon l’agence EcoFin, un circuit discret mais redoutablement efficace, qui transforme la France en exportateur de tomates, alors qu’elle ne couvre même pas ses propres besoins.
D’après le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), la France réexporte en moyenne un tiers de ses achats marocains de tomates vers d’autres États membres de l’UE. Ce flux est rendu possible grâce à l’«effet Perpignan»: une fois passées par le hub logistique du sud de la France, ces cargaisons sont requalifiées en exportations françaises intra-UE. Selon Agreste, l’organisme statistique du ministère français de l’Agriculture, près de 300 000 tonnes ont ainsi quitté l’Hexagone en 2023, alors que la production nationale plafonnait à 660 000 tonnes pour une consommation estimée à 850 000 tonnes. Dans les faits, seulement 2% des tomates fraîches véritablement produites en France seraient exportées.
Et la Tunisie?
Dans ce jeu de transit, la Tunisie apparaît presque invisible. Contrairement au Maroc, le pays ne dispose pas de hub logistique comparable pour jouer les plaques tournantes. Selon le GICA (Groupement Interprofessionnel des fruits et légumes) et la FAO, ses exportations de tomates fraîches se limitent à quelques flux vers l’Italie ou la Libye, et dépassent rarement 10 000 tonnes par an, essentiellement sous forme de tomates industrielles destinées à la transformation.
Au-delà des chiffres, ce système illustre un paradoxe: grâce à ses plateformes comme SCI à Perpignan ou Rotterdam aux Pays-Bas, l’Europe parvient à maintenir une image d’autosuffisance alimentaire, tout en externalisant sa production. Pendant ce temps, les producteurs marocains consolident leur place dans la chaîne de valeur européenne, captant une demande toujours plus forte, notamment pendant les périodes creuses de production locale.