Chaque année, l’Afrique importe des millions de véhicules d’occasion venus d’Europe, du Japon ou des États-Unis. Si ces voitures accessibles paraissent, sur le papier, être une opportunité pour la mobilité, elles cachent en réalité un coût environnemental et économique colossal, notamment en Afrique du Nord.
Selon un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), plus de 14 millions de véhicules d’occasion ont été exportés à l’échelle mondiale entre 2015 et 2018 — et plus de 60% ont pris la direction des pays en développement, l’Afrique représentant à elle seule 40% de ce volume, selon le PNUE.
Une pollution «importée» à bas coût
La plupart de ces véhicules sont très âgés, souvent entre 16 et 20 ans, avec des moteurs loin de répondre aux normes environnementales actuelles. Résultat: ces voitures émettent jusqu’à 90% de particules fines et de NOx de plus que celles circulant dans l’Union européenne, selon un article de la BBC publié en 2020.
Cette pollution a un impact direct sur la santé publique. Selon le PNUE, la pollution de l’air est responsable de 1,1 million de décès prématurés chaque année en Afrique. La circulation routière figure parmi les premières sources de particules fines, aggravant les maladies respiratoires et cardiovasculaires (PNUE, 2020).
Afrique du Nord: entre régulation et réalité du marché
Certains pays d’Afrique du Nord ont pris des mesures strictes pour limiter cette «importation de pollution». Le Maroc, par exemple, interdit l’entrée de voitures de plus de 5 ans et impose des normes Euro 4 minimum (PNUE, 2020).
La Tunisie applique aussi une limite d’âge similaire, mais le contrôle de conformité de ces véhicules échappe parfois aux règles. L’Algérie et l’Égypte, elles, ont opté pour des restrictions plus sévères, voire des interdictions partielles, mais doivent encore composer avec la congestion urbaine. Rien qu’au Caire, la pollution et les embouteillages coûtent 8 milliards de dollars par an, soit 4% du PIB du pays.
Un faux calcul économique
Pour les ménages, acheter une voiture d’occasion importée est souvent la seule option financièrement accessible. Mais le vrai coût est masqué: frais médicaux, entretien élevé, consommation excessive de carburant, pièces détachées souvent obsolètes ou contrefaites.
D’après un article de DW, ces «économies» réalisées à l’achat sont annulées par les externalités négatives: pollution accrue, mortalité routière plus élevée et perte de productivité liée aux embouteillages.
Quelle alternative?
Plusieurs initiatives voient le jour. Des organisations comme le PNUE et la Cedeao travaillent à l’harmonisation des normes d’importation pour stopper le dumping de véhicules trop vieux ou polluants. Certains experts proposent une taxation progressive en fonction de l’âge du véhicule et de ses émissions, accompagnée d’investissements massifs dans le transport en commun et la mobilité douce.
En Afrique du Nord, l’exemple du Maroc montre qu’une régulation stricte peut réduire l’impact environnemental, mais doit s’accompagner d’une politique de mobilité durable pour éviter de simplement déplacer le problème ailleurs.