Alors que se tenait la 11ᵉ session du Forum régional africain sur le développement durable, une conférence de presse a mis en lumière les obstacles financiers persistants qui freinent la trajectoire de croissance du continent. Jason R. Braganza, Directeur exécutif du Forum africain et du réseau sur la dette et le développement (Afrodad), a dressé un constat préoccupant: l’Afrique fait face à une crise de la dette sans précédent, qui nécessite des réformes profondes et urgentes.
En effet, plus de 25 pays africains sont aujourd’hui en situation de détresse financière ou présentent un risque élevé de surendettement. Cette situation est aggravée par une architecture financière mondiale jugée «obsolète et polarisée». Face à un paysage de créanciers devenu de plus en plus complexe, Braganza appelle à la création d’une plateforme africaine de négociation de la dette, permettant aux pays africains de parler d’une seule voix lors des processus de restructuration.
Par ailleurs, la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) est évoquée comme un levier stratégique. Malgré les défis initiaux de sa mise en œuvre, elle représente une opportunité majeure pour accélérer le commerce intra-africain, stimuler la production locale et poser les bases d’un développement industriel inclusif. Toutefois, ce potentiel ne pourra être concrétisé que si les États membres s’engagent dans des politiques cohérentes et coordonnées.
Dans cette optique, Braganza insiste sur l’importance de réformer les politiques nationales d’emprunt et de gestion de la dette. Cependant, il précise que ces efforts ne peuvent porter leurs fruits que s’ils s’inscrivent dans une dynamique collective. La coopération régionale et continentale apparaît ainsi comme une condition essentielle pour renforcer le poids du continent dans les instances financières internationales.
D’ailleurs, certains pays donnent déjà l’exemple. Le Kenya et le Rwanda ont renforcé leur cadre législatif en matière de dette, tandis que la Guinée se distingue par sa transparence budgétaire. Néanmoins, la mise en œuvre concrète de ces politiques demeure inégale d’un pays à l’autre, ce qui rend nécessaire une harmonisation des efforts à l’échelle continentale.
En outre, un enjeu souvent relégué au second plan a été remis au centre des débats: celui de la dette intérieure. Si elle n’est pas rigoureusement encadrée, elle peut limiter l’accès au crédit pour le secteur privé, freiner l’investissement et compromettre les efforts de relance économique. C’est pourquoi Braganza plaide pour une gestion prudente de cette composante, souvent négligée dans les stratégies nationales.
Enfin, pour faire face à ces multiples défis, le directeur d’Afrodad a formulé cinq recommandations clés: créer une plateforme africaine pour négocier la dette, renforcer la lutte contre les flux financiers illicites, mettre en œuvre efficacement la Zlecaf, réformer les cadres juridiques et politiques nationaux, et gérer avec prudence la dette intérieure.
Ces propositions, si elles sont mises en œuvre de manière concertée, pourraient constituer les fondations d’une trajectoire financière plus stable et plus souveraine pour le continent africain.