En revenant aux hypothèses de la loi de finances 2024, nous constatons que la croissance économique attendue était de 2,1% pour cette année. À un certain moment, l’ancien chef du gouvernement avait évoqué la possibilité d’atteindre 3%. Bien évidemment, mathématiquement, c’est possible. Nous sommes maintenant à mi-chemin de l’exercice et nous pouvons évaluer sérieusement les possibilités d’atteindre les prévisions.
L’économie tunisienne a affiché une croissance de 0,6% depuis le début de l’année. Réaliser les 2,1% signifie terminer l’année sur un PIB (prix 2015) de 96 728,465 MTND. Nous avons donc besoin d’une croissance de 3,6% au cours du second semestre pour atteindre les projections de la loi de finances. Quant aux 3% de Ahmed Hachani, il nous faudra 5,4% pour les toucher.
Nous pensons que les chiffres relèvent du domaine de l’impossible. Il n’y a aucun moteur de croissance qui travaille, ou qui peut passer, à plein régime. Nous devons donc rester logiques et tenter d’apporter des solutions à moyen et long terme pour redémarrer la croissance du pays. Les chiffres actuels ne font que confirmer les toutes récentes estimations de S&P qui ont évoqué 1% de hausse du PIB aussi bien pour 2024 que 2025. C’est beaucoup plus réaliste.
Cette incapacité à repartir met de la pression sur tous les plans. Tous les indicateurs économiques, basés sur le PIB, vont s’améliorer à un rythme beaucoup moins rapide que prévu. Ainsi, nous garderons toujours une proportion élevée de masse salariale, d’endettement et de pression fiscale, ce qui pèsera sur notre prochaine mise à jour de notation souveraine. Cela explique le déphasage entre ce rating et la résilience affichée par l’économie. Cette dernière passe, de facto, par des choix qui bloquent la croissance. Quand le calendrier des dettes extérieures oblige le Trésor et la Banque centrale à regarder de près les avoirs en devises du pays, afin de s’assurer de la disponibilité de suffisamment de fonds pour honorer leurs engagements, le résultat ne peut être qu’une moindre performance des secteurs consommateurs de matières et produits importés.
Le choix semble être fait: prévenir les risques tout en gardant la machine en marche, même à faible cadence. À vrai dire, ce choix est bon, car le coût d’un défaut de paiement est insupportable. Mais, en même temps, il y a des champs dans lesquels il est possible d’avancer. Laisser les opérateurs privés agir ne coûte rien sauf des décisions. L’État ne pourra jamais assurer, au rythme actuel, une croissance supérieure à 3% à moyen terme, sauf élément non récurrent. Il faut donc oser injecter une dose de libéralisme, ce qui permettra de donner une plus grande marge à l’administration centrale pour jouer son rôle social. L’ère de la double casquette est révolue.