Un panel en particulier s’est illustré au sein de l’événement Green Growth Summit 2024 tenu le 30 avril à Tunis et organisé par ‘Hivos -People Unlimited’ (organisation promouvant l’inclusion et la durabilité). Pourquoi? Parce qu’il a abordé l’économie verte par le biais de la création d’emplois, là où l’Afrique (y compris la Tunisie) est habitée par le souci récurrent de créer les emplois du futur.
Cinq experts se sont ainsi relayés pour disséquer, chacun selon son background, les facettes de ce panel libellé «Ecosystems Transformed: Unlocking the Green Economy’s Power to Create the Jobs of the Future». Car il fallait répondre à une interrogation capitale: comment l’économie verte peut-elle stimuler la création d’emplois et la croissance économique en Tunisie, et quel est le potentiel des industries durables?
«Nous avons besoin de startups capables d’innovations»
Le panel n’a pas emprunté de voies soft. Il va tout de suite au cœur du challenge: la transformation des écosystèmes. Et le propos insiste sur la condition sine qua non de libérer le pouvoir de l’économie verte pour créer les emplois du futur.
Faten Aisdi (Flat6Labs) va au fond du problème: «Les challenges que l’Afrique et la Tunisie affrontent tous les jours en termes d’alimentation et d’agriculture durable ont déjà rallié quelques pionniers, mais il y a encore beaucoup de place pour les entrepreneurs. Il y a également une question sur le transport en Afrique et je suis convaincue que les startups peuvent être innovantes et créer de nouvelles voies de transport plus vertes dans une perspective plus environnementale, avec de moindres émissions de CO2».
Elle cite deux startups: Maximotors et Bako motors, qui créent des solutions hautement innovantes et réfléchissent également à l’économie circulaire, ainsi que des startups qui travaillent sur le recyclage pour en sortir de nouveaux designs. Mais l’appel reste le même: «Nous avons besoin de plus de startups capables d’innovations, par exemple dans le management de l’eau, car les pays africains – à commencer par la Tunisie – se rendent compte du problème chaque été. Une startup travaille déjà sur une solution pour monitorer la consommation d’eau et nous en voulons plus sur ce créneau, car c’est le secteur le plus urgent dans notre continent».
Minimiser les risques de financement et partager le savoir
Zeineb Fakhfakh (Impact Partner) aborde la question du point de vue d’une organisation vouée au soutien financier des PME et startups. Elle témoigne sur sa manière d’aborder le concept de développement continu, et pourquoi Impact Partner offre ce soutien particulier technique et financier très important pour le succès et le développement des startups, surtout vertes: «Du côté technique, nous couvrons les aspects de formation, coaching, mentorat, accès aux experts spécialisés et aux institutions de recherche, par exemple au sein des universités. C’est très important lorsqu’on se préoccupe d’innovation. Quant au côté financier, ‘Impact Partner’ propose aux entreprises un large spectre d’appui, allant de la philanthropie aux garanties, crédits, impact invesments, incitations du gouvernement, incitations vertes. Nous les aidons également à avoir accès aux investissements innovants comme les participations vertes et le crowdfunding pour les hisser vers un plus haut niveau de développement».
Apprendre à ‘dé-risquer’ l’investissement
Pour Lamia Cheffai (Education for Employment–EFE), l’éducation est un point d’inflexion incontournable si nous voulons réussir cette transition: «L’éducation consiste à nous mobiliser pour aider dans les divers aspects du management. Nous sommes attentifs à nos attentes en termes d’investissement et à la manière de diversifier notre portfolio pour ‘dé-risquer’ notre investissement dans diverses entreprises».
Saisissant l’ampleur du dossier (à la mesure de tout un continent), Lamia Cheffai se prononce pour une attitude d’humilité: «Je crois également que, pour notre part, nous avons besoin d’apprendre plus comment l’investissement que nous faisons peut être le plus impactant et répondant le plus aux demandes des startups engagées sur la voie qui s’efforce de réponde le plus efficacement aux musts du développement durable».
Alliance verte individus/PME/ microentreprises
Fatma Midani (Soul and Planet) évoque son expérience. Aujourd’hui, elle gère une équipe tournée B2C dans sa marketplace vendant des produits sains et eco-friendly pour la vie de tous les jours. Elle se rappelle qu’il lui a fallu affronter des problèmes de chef d’entreprise: «Nous avons généré des revenus mais le développement a été assez plat. Pourquoi? Parce qu’il s’agissait d’abord d’une niche; et puis il était clair que des produits de cette qualité ne sont pas bon marché. Ils sont assez chers pour cette population. Seulement, au même moment, des entreprises commençaient à être intéressées et à nous demander des solutions pour améliorer leur impact pour répondre au besoin émanant des clients de créer une plateforme pour trouver des solutions vertes destinées au B2B».
En clair, si l’entreprise en question participait à une saine consommation de ses employés, cela améliorerait son impact. Et ‘Soul and Planet’ était la plateforme où l’entreprise qui payait son premium access permettait ainsi à ses employés de disposer de tous les produits cités à un prix convenable. Cela est le premier cluster où l’avantage pour les individus avait un effet sur l’entreprise. Les managers qui aspiraient à ces solutions trouvaient chez elle ce cluster qui leur permettait d’être en phase avec les réglementations internationales. Un exemple à suivre!
Un mix entre économie verte et économie digitale
Aslan Berjeb (Conect) jette un autre éclairage (celui d’une centrale patronale) sur la capacité de l’économie verte à stimuler la création d’emplois et la croissance: «La Conect a été parmi les premiers à avoir travaillé sur l’économie verte et la transition verte depuis 2011. Nous sommes convaincus que le challenge réel consiste dans le mix entre économie verte et économie digitale en vue de fondre ces deux domaines pour développer des opportunités vertes. La Conect incite ses membres à développer leur expérience dans les jobs critiques pour cette fusion du vert et du digital. Et le rôle de la Conect est d’ouvrir ces opportunités et de réfléchir ensemble sur la raison pour laquelle nous allons vers ces activités».
Aslan Berjeb semble parler au nom des patrons en posant une interrogation ‘classique’: «Ces jobs sont-ils vraiment sûrs? Ce qui est certain, c’est que le développement de ces jobs critiques vert/digital s’étend vers les frontières de l’économie classique, car leur développement est lié à la confrontation de la réalité que nous vivons sur la même planète et essaye de nous éloigner de ‘l’économie égoïste’ vers une conception d’habitat commun. Nous comprenons que le but de cette économie est un franc shift vers une nouvelle politique étayée par une régulation universelle en matière d’émissions, de déchets… C’est pour cela que les jobs que j’ai évoqués sont liés à la conception d’un monde conscient de son avenir et je suis convaincu que ces jobs futurs sont sûrs parce qu’ils sont liés à un objectif commun».