«Nos espoirs sont très grands alors que nous célébrons la collaboration naissante entre FABA et ATRIO pour éradiquer le cancer du sein, cette maladie dévastatrice qui touche près de 3 800 Tunisiennes par an», atteste Awatef Mechri, représentante de FABA et DG de Microcred, lors de la signature, le 4 avril 2024, d’une convention entre l’Association tunisienne de recherche en immuno-oncologie (ATRIO) et la Fondation Abdelwahab Ben Ayed (FABA) pour le financement de l’étude Biopeace (BIOmarkers in Patients with mEtastatic breAst CancEr), un projet de recherche innovant dans le domaine du cancer du sein en Tunisie.
L’engagement de FABA redémarre l’étude
«Depuis plusieurs années, le but de FABA est de contribuer à assurer aux Tunisiens l’égalité dans l’accès aux soins de santé et participer à un écosystème sociétal favorisant le développement du bien-être dans le pays. Notre engagement commun est de faire que tous les Tunisiens aient un accès égal aux soins de santé alors que 3 800 femmes sont atteintes du cancer du sein chaque année, nous en voyons l’impact sur la famille, la société et l’économie», ajoute-t-elle.
Pour Monia Malek, présidente de l’ATRIO, cette rencontre est l’occasion de partager un moment important, le point de départ d’un challenge: «Pourquoi cette étude? Mais d’abord, pourquoi ce retard? C’est à cause du manque de financement».
Selon elle, le cancer du sein est le premier cancer chez la femme en Tunisie. Il y eut 3 800 cas en 2022 et le chiffre va croître malgré les campagnes de dépistage. Avec les traitements classiques, les résultats tardent. Et la thérapie de précision ainsi que l’immunothérapie sont très coûteuses.
«En Tunisie, l’immunothérapie est venue apporter un espoir contre ces maladies ciblant le système immunitaire, elle est moins toxique que la chimiothérapie. Nous cherchons les biomarqueurs pour identifier les malades qui répondent aux critères. C’est un gain en survie et en argent mais seuls 30% vont répondre à l’immunothérapie et nous cherchons les biomarqueurs qui permettent de les identifier. Pour cela, des technologies avancées sont nécessaires. C’est dire que beaucoup reste à faire», souligne-t-elle.
ATRIO a commencé à travailler à l’étude Biopeace pendant la Covid puis a préparé un protocole convenable sur la base de 1 600 patientes (chiffre établi par notre statisticien Chedly Dziri) sur 3 ans et plus d’une année de suivi. Les malades sont prises d’abord en charge par leur oncologue, puis il faut des prélèvements de tissus et de sang, ensuite des examens pour rechercher les biomarqueurs. 1 500 kits de Prochidia en ont facilité la tâche. «Grâce à cette étude, nous allons offrir des opportunités de formation pour la maîtrise des technologies impliquées. Grâce à elle, nous allons avoir des réponses à nos questions, y compris celles que l’on ne se pose pas encore. C’est une opportunité de créer un modèle, combiner les biomarqueurs.
FABA contribue à tout cela et nous donne de l’espoir. Nous allions stopper net mais, aujourd’hui, nous redémarrons et cette étude va avoir beaucoup d’impact scientifique, social, économique… C’est un travail d’équipe dans lequel nous sommes tous impliqués», poursuit Monia Malek.
La recherche clinique pour l’accès aux médicaments innovants
«Les NGS (Next-Generation Sequencing), méthodologie moléculaire qui permet le séquençage rapide de molécules d’ADN ou d’ARN simultanément, a révolutionné la biologie moléculaire et la médecine de précision. Pour un traitement ciblé, il est important de connaître l’évolution de la tumeur. Les bénéfices sont une meilleure prise en charge, une meilleure prévention, une meilleure thérapie… et une plus grande employabilité grâce à la formation de compétences, notamment en informatique», souligne Dr Maher Kharrat, SG de l’ATRIO. «Plusieurs pays se sont investis dans la médecine de précision, mais il leur a fallu beaucoup de fonds et une stratégie rigoureuse en matière de diagnostic et de recherche. On n’a pas besoin d’identifier des mutations pour lesquelles on n’a pas de traitement. Pour cela, il faut mener des études pilotes, notamment à l’Institut Salah-Azaiez, pour se préparer à une transition vers une génétique moderne».
Quant au Dr Chokri Jeribi, ancien de l’Institut Salah-Azaiez, il estime que l’accès des patients tunisiens aux traitements de précision est un problème mais aussi l’une des voies d’évolution: «La première voie d’accès à la médecine personnalisée est sas doute l’intégration, la participation de nos centres dans la chaîne de traitement internationale. Nous sommes dans un monde de compétition et, pour être impliqué dans les grands essais cliniques, il faut que vous ayez construit votre base de données et vos plateformes de séquençage. On vient alors à vous parce que vous avez de la valeur ajoutée».
Il recommande le développement de la coopération, et la création d’un fonds de recherche et se dit fier que cette étude soit déjà disponible sur les plus grands sites spécialisés et attire ainsi les bailleurs. Pour lui, il s’agit d’un groupe de travail et d’une grande plateforme à un stade avancé. Les données générées sont précieuses et «nous allons garder nos données mais ouvrir la porte aux collaborations nationales et internationales». Un organisme européen prestigieux est déjà intéressé.
Un débat a clôturé l’événement en évoquant plusieurs points de détail:
– Ne pas ignorer le passé et mettre les NGS en perspective d’un grand travail qui a duré des années.
– Développer les biomarqueurs spécifiques à la population tunisienne.
– S’apprêter à l’émergence de nouvelles formes de cancer du sein.
– Veiller à la rationalisation des critères d’identification de la catégorie de cancer.
– Développer les statistiques sur le cancer du sein, notamment par tranche d’âge.
– Constituer une bio-banque tunisienne.
– Développer le statut d’attaché de recherche.
– Il est important que la Tunisie s’ouvre sur les partenaires étrangers, particulièrement en Afrique subsaharienne.
– Développer un effet boule de neige, car la réussite du projet attire les bailleurs de fonds.
– Rester attentif aux problèmes de gouvernance.
Le mot de la fin? Le souvenir de feu Abdelwahab Ben Ayed, disparu il y a cinq ans, jour pour jour, et dont Awatef Mechri se remémore le rêve de création d’une grande plateforme vouée à la génétique.