En 2023, seules trois sociétés cotées ont procédé à des augmentations de capital en numéraire, à savoir Alkimia (20 Mtnd, dont 8 par compensation de créances), Monoprix (29,570 Mtnd) et Magasin Général (52,187 Mtnd). Le reste des opérations ont pris la forme d’incorporation de réserves par Amen Bank, CIL, Smart Tunisie et Société d’Articles Hygiéniques-SAH. C’est extrêmement faible pour une Bourse, mais ce n’est pas tout à fait nouveau. A l’exception de quelques opérations phares de temps en temps, la Bourse de Tunis a rarement pu mobiliser les épargnants en fonds propres ces dernières années. Trois raisons expliquent cette tendance.
La première est qu’il s’agit bien d’une place financière où les investisseurs individuels pèsent plus de 75% des volumes. L’intervention institutionnelle demeure faible, bien qu’elle se soit nettement améliorée depuis 2011. Ces personnes physiques sont venues en Bourse, car elles ont une épargne moyenne qui ne leur permet pas d’investir ailleurs, dans l’immobilier à titre d’exemple, et ne sont pas convaincues du rendement des produits classiques. Elles acceptent donc une petite dose supplémentaire de risque pour augmenter leurs richesses personnelles. Leur demander d’apporter de l’argent pour bâtir un projet sur des années n’est pas vraiment intéressant. Elles veulent de la plus-value le plus rapidement possible et des dividendes généreux, et c’est leur droit de l’exiger. Le résultat est que les opérations de recapitalisation sont accompagnées d’une baisse ou, au mieux, d’une stagnation du cours de l’action pour une bonne période.
La deuxième est que les actionnaires majoritaires, eux aussi, ne veulent pas mettre la main dans la poche et contribuer à une injection d’argent frais. S’ils avaient les moyens de le faire, pourquoi venir en Bourse dès le départ? C’est le paradoxe de la Place de Tunis. Les sociétés viennent soit dans le cadre d’un plan cash out et où les fondateurs veulent valoriser leurs efforts, soit parce qu’elles sont poussées par les banques qui craignent que leurs ratios financiers ne tiennent plus. Rarement, elles sont convaincues par un tel projet. Se faire coter, qui n’est qu’une étape dans la vie d’une entreprise, parfois même un début, est souvent vu comme un grand succès, un aboutissement majeur pour un bon nombre de nos entrepreneurs.
La troisième est la situation économique d’une manière générale. Pourquoi augmenter la capacité de sa production alors que l’inflation est toujours élevée, le coût de l’investissement est exorbitant et que même les Européens, notre premier marché, sont en train de souffrir? Les perspectives sont assez sombres, tous secteurs confondus. L’idée générale en Tunisie est celle de garder stable le volume d’affaires, les bénéfices et les postes d’emploi dans l’attente de jours meilleurs.
En 2024, nous pensons que la même tendance serait observée, avec un plus grand nombre d’augmentations de capital par attribution d’actions gratuites. Sur le fond, rien ne va changer mais ce qui est sûr, c’est que le placement en Bourse restera toujours le plus rentable à moyen et long terme.