La Bourse de Tunis connaît un mouvement descendant accentué, avec 9 séances de baisse consécutives. Le Tunindex a perdu 423,89 points et 5,22% de son rendement annuel. Le mouvement a été fortement amorcé par les banques qui ont perdu 5,13%. Au vu de leur poids dans le principal indice de la Place, c’est tout à fait logique qu’elles dictent la direction du marché.
La raison pour laquelle les investisseurs tremblent est connue: le président de la République a ouvert le chantier des dépassements au sein du secteur bancaire, et potentiellement sa réglementation, et il ne compte pas l’abandonner avant de le réformer. Sur ce point en particulier, il y a une quasi-unanimité sur la nécessité de s’attaquer à un secteur considéré par la majorité des Tunisiens au-dessus de la loi. Ce sentiment a été alimenté par des réseaux sociaux très actifs, qui ont créé cette image qui n’est pas fidèle à la réalité. Certes, il y a du bon et du moins bon au sein de l’industrie financière, mais il ne faut pas qu’on mette tout le monde dans le même sac.
Ce trend, qui risque sérieusement de continuer et d’anéantir tous les gains de l’année, a mis à nu quelques convictions partagées implicitement par les investisseurs.
La première est qu’en réalité il y a une forte perception que les entreprises dépendent toujours de leurs actionnaires majoritaires. Bien que, dans un premier temps, la réaction du marché fût positive et donnait espoir que la gouvernance a atteint un certain niveau de maturité, la forte pression a fait évaporer cette idée. Il y a toujours un grand nombre d’actionnaires clés qui sont aussi des exécutifs dans leurs sociétés. S’ils sont impliqués dans n’importe quelle affaire, l’impact est immédiat sur l’exploitation qui se trouve perturbée. L’indépendance manque encore et ce lien entre le capital et la gestion s’avère toxique.
La deuxième est que le doute est général envers toutes les banques et sociétés. Explicitement, le marché n’a confiance en personne. Tout le monde est susceptible d’avoir un cadavre dans le placard, ce qui met une pression inédite sur les cours. Il y a un manque de transparence et une absence de communication financière de la part d’une grande partie des entreprises durant des années, ouvrant la porte aux rumeurs.
La troisième est que le business model de l’industrie financière manque d’innovation. Si nous revenons aux communiqués de la Banque centrale dans la période post-pandémique, il y avait des appels répétitifs aux établissements financiers d’innover. Aujourd’hui, ils retrouvent du sens. Les banques ont quasiment le même modèle, offrent des produits identiques mais sous différents noms, et facturent surtout de la même manière. Rares sont celles qui se distinguent dans un segment. Si les députés et/ou le président de la République décident de changer la loi de 2016, elles seront privées de revenus importants et le modèle de génération de bénéfices sera choqué. Elles ne vont pas fonctionner à perte, mais leur rentabilité sera certainement affectée.
Il faut dorénavant prendre une composante «gouvernance» dans la valorisation des entreprises. L’extra-financier est devenu un enjeu de taille et il y a de bonnes opportunités sur le marché en se basant sur de tels critères. N’oubliez jamais que les plus belles roses naissent toujours au fond des puits.