Le vrai problème de la Tunisie est le chômage. On pourra survivre avec un déficit budgétaire à deux chiffres, un endettement lourd, ou un prix de baril supérieur à 100 dollars. Toutefois, nous risquons d’aggraver plus rapidement la crise sociale si les jeunes continuent à souffrir pour décrocher un boulot digne.
En 2022, l’économie tunisienne a généré mensuellement une moyenne de 3 642 emplois contre une demande de 35 691 pour un premier travail! Un fossé qui inquiète. La crise s’est encore approfondie en 2023, puisqu’au mois de janvier, la demande est passée à 36 983.
La projection sur une décennie n’inspire guère confiance, surtout que la matière grise est en train de fuir le pays. Comment pouvons-nous changer de modèle économique si les ressources humaines nécessaires ne sont pas là? Les économies passent au numérique, au vert et au métavers alors que la Tunisie reste encore attachée à des industries à très faible valeur ajoutée. Cela ne signifie pas qu’il faut les délaisser. Elles fournissent du travail à ceux qui n’ont pas assez de qualifications pour intégrer une économie plus intelligente.
A notre avis, le grand handicap reste l’inflexibilité du marché du travail. Au-delà d’un cadre réglementaire rigide, nous devons reconnaître que la main-d’œuvre tunisienne est majoritairement incapable de s’adapter aux évolutions. Même pour un cadre diplômé en poste depuis une dizaine d’années, une reconversion professionnelle relève du domaine de l’impossible. Notre modèle social a souvent tué cette volonté de tenter quelque chose de nouveau. A partir d’un certain âge, il faut être «stable», ce qui veut dire bâtir une famille, lui consacrer plus de temps et avoir une source récurrente de revenus. Changer de ville est même problématique, car il a souvent des implications sur la scolarité des enfants.
La formation continue est aussi très faible et occasionnelle. C’est pour cette raison qu’une minorité de salariés se lance dans l’entrepreneuriat. Celui qui a un poste s’y accroche par tous les moyens, réduisant de facto les possibilités de créer de nouvelles opportunités.
Pour être réaliste, il ne faut pas espérer atteindre prochainement le point d’inflexion en matière d’emplois. Avec la structure actuelle de l’économie, nous avons l’impression que le taux de chômage naturel en Tunisie est à deux chiffres.