Alors que les décideurs du retail & e-commerce se sont retrouvés, les 1er et 2 mars 2023, pour la 1ère édition des TRD sur le thème «Les grands défis en 2023!», une étude d’évaluation de l’état de préparation de la Tunisie au commerce électronique montre que nous sommes encore loin d’être eTradeReady.
Pour faire l’état des lieux, il a fallu 12 conférences et 8 ateliers interactifs ventilés sur 2 panels accueillant 1 espace d’exposition. Un nombre impressionnant d’experts et de praticiens de premier plan ont décortiqué les problématiques business auxquelles font face les retailers et les e-commerçants.
Quand la Covid change la donne
Cette auscultation en profondeur du secteur s’est basée sur l’étude présentée par Khabeb Hadhri, directeur de la Direction du développement du commerce électronique et de l’économie immatérielle relevant du ministère du Commerce. Un paysage de 600 petites et moyennes enseignes contribuant à hauteur de 20% au commerce local mais, paradoxalement, le département ne disposait que des ‘orientations’ n’allant pas au fond des problématiques du secteur. Mais la Covid a tout changé: «En 2019, nous nous sommes référés à une étude de la Cnuced pour le diagnostic du commerce qui a révélé que la préparation de la Tunisie au commerce électronique soulevait des questions d’infrastructure type, de logistique, de cadre réglementaire, de développement des compétences, des modèles d’affaires avec des applications nouvelles…», commente Khabeb Hadhri.
L’étude, qui effectuait un snapshot de l’état de préparation de notre pays, fournit une liste de recommandations pour booster la coordination entre les ministères, améliorer la logistique, faciliter les échanges, promouvoir le digital et le paiement ad hoc… Les indicateurs montrent que seulement 1583 sites marchands utilisent aujourd’hui le e-commerce en Tunisie, que parmi les 150 entreprises opérant dans Delivery car, beaucoup sont hors circuit réglementé, que le montant des paiements en ligne est de 831 MTND, que les 230 000 commerçants recensés par l’INS (qui usent encore de cash) sont le vrai vivier du e-commerce…
Des actions prioritaires à partir de 2023
Cette étape de préparation du e-commerce, telle que recommandée par l’étude, a donné lieu à une matrice d’actions qui cite les conditions pour rendre la Tunisie eTradeReady:
– Activer la reliance du comité du e-commerce
– Dynamiser le partenariat PPP
– Construire un portail fédérateur pour le e-commerce
– Investir dans l’infrastructure
– Développer la réglementation, surtout pour les solutions de paiement digitalisé
– Repenser les modèles des pourcentages aux transactions
– Mener des actions de vulgarisation du cadre juridique, qui est méconnu
– Organiser la lutte contre la cybercriminalité
– Trouver des solutions au départ des compétences à l’étranger
– Réviser les systèmes de financement, surtout en relation avec les startups…
Des actions prioritaires seront exécutées à partir de cette année 2023 (22 sur 65 recommandations ont déjà été mises en chantier; dont le Conseil supérieur de l’économie numérique, les lignes de financement, les contributions au développement du secteur…).
Plus de questions que de réponses!
En faisant l’état des lieux des grands défis auxquels les e-commerçants devraient faire face en 2023, les Tunisia Retail Days 2023 ont confié les éclairages nécessaires à des experts et professionnels venus de plusieurs horizons.
Un panel où Chourouk Mzahi, CEO de Parcus Digital Solutions, a posé les bonnes questions: «Comment faire face aux contraintes de logistique? Comment réussir l’expérience de la livraison pour faire la différence? Le livreur est-il conscient d’être la qualité de la marque? La livraison mixte est-elle la mieux indiquée? Quels contrôles de l’Etat pour modérer le secteur? Paiement en ligne ou paiement à la livraison: comment faire passer le Tunisien aux solutions en ligne? Et les questions de confiance?».
Les experts abondent dans le même sens et semblent se poser plus de questions que donner de réponses.
Samir Ksibi, patron de Cravate.tn, désigne la logistique comme l’un des gros problèmes pour le développement du e-commerce en Tunisie. Il décrit comme une bombe à retardement l’usage des fonds des clients comme fonds de roulement pour certains. Il pose également les questions de garantie pour le paiement en ligne, les efforts de communication pour inciter les gens à acheter en ligne, la manière de protéger les e-commerçants face aux clients qui se désistent…
Mouna Labidi, sous-directeur e-commerce Carrefour, souligne les nombreuses contraintes (choix du bon partenaire technologique, législation, contexte de rupture sur certains produits…) pour évoquer un devoir de communication dans un paysage où il y a une certaine résistance au e-commerce, surtout dans les régions. Elle soutient que la différenciation ne peut se faire que par la multiplication des services (click & collect, le drive, la livraison) où la logistique est un grand challenge, alors que 35% des paiements se font en ligne chez Carrefour.
Kais Aidi, CEO de Qualimétrie, estime que le client veut être rassuré pour adhérer au e-commerce, car il y a un vrai problème de confiance. Pour lui, c’est un excellent élément de différenciation, car ceux qui achètent sur facebook un produit non conforme et dont on ne peut pas faire le retour le voient clairement. La crédibilité est un élément de communication que les entreprises devraient développer. L’idée étant d’être là où le client se trouve et de faire en sorte que le site soit une belle vitrine, tout en comprenant que certains clients ont besoin de présence humaine pour avoir confiance!
Kais Sanchou, DG de Jumia, revient encore comme les autres sur la question de la logistique. Selon lui, elle est la clé du sérieux et de la fluidité de l’expérience, là où le contact client est le plus important, en door-to-door surtout. D’où la proposition de valeur des points-relais qui traite les questions de rapidité et de coût des livraisons. Les livreurs sont monitorés après avoir été formés et, une fois que le client a reçu son produit, Jumia lui demande une évaluation. Moins de 3 étoiles pour un livreur invite à une re-formation et peut aller jusqu’à l’exclusion. Il souligne qu’il a une responsabilité face à ses clients et que la réputation est capitale. Commentant les systèmes des commissions, il estime que chacun des partenaires du e-commerce a son métier et que cet ensemble fait, ou défait, le secteur.