Si les PME savent qu’elles n’ont d’autre perspective que de s’internationaliser, elles devront alors faire face à de grands défis et mobiliser les incontournables réseaux sans lesquels rien n’est possible. Pour les aider à faire le point, la Conect et Mercadex ont organisé le 1er novembre 2022 un séminaire sur l’internationalisation des PME tunisiennes où acteurs publics, accompagnateurs de l’écosystème et entrepreneurs ont énuméré les conditions sine qua non de l’internationalisation.
Tout commence par un constat que Tarak Cherif, président de la Conect, résume: «Devant l’essoufflement de notre économie, exporter est un objectif majeur, surtout en Afrique, pour que la croissance reprenne. Il ne faut plus attendre et appuyer sur l’accélérateur, écouter les entreprises qui ont réussi et accompagner les entrepreneurs à l’international».
La stratégie des boîtes à outils
Mais comment faire, concrètement? Des experts se suivent pour ouvrir leurs boîtes à outils. Jean-Paul David, président de Mercadex et directeur de l’Institut MX, ouvre le bal en proposant une stratégie corporate en 3 points:
– la diversification du produit ou du marché;
– l’intégration verticale (on rachète son fournisseur en amont…);
– l’internationalisation, en transférant ses activités dans d’autres marchés.
Selon lui, il faudrait se concentrer sur les entreprises innovantes, mettre en valeur les atouts des PME (flexibilité, souplesse), aller au-delà du produit, capitaliser sur les compétences, bien choisir les marchés, mobiliser les réseaux qui sont malheureusement négligés en Tunisie, nouer des joint-ventures, compiler les informations avant de faire les premiers choix…
Samir Saied, ministre de l’Economie et de la Planification, ouvre également sa boîte à outils: démarche de planification, collaboration PPP, capitaliser sur les compétences, conjuguer au triangle Tunisie-Europe/Japon-Afrique, réactiver la diplomatie économique, accompagnement des institutions de support-financement-incitations, rester attentif à la logistique…
Il se dit partisan des consortiums d’entreprises pour partager l’info et les coûts, et lance un appel à tous les volontaires qui veulent rejoindre son ministère limité en ressources humaines!
Quant à Alexandre Arrobbio, représentant résident de la Banque mondiale en Tunisie, sa boîte à outils part des potentialités fortes dans certains domaines (agriculture, huile d’olive, TIC, digitalisation…) pour s’adapter. Il parle des éléments auxquels il faut être attentif à l’export: financement, logistique, réglementations, dimensions macro, réformes qui demandent du temps…
«Ne nous mettez pas de bâtons dans les roues!»
Georges Ghorra, représentant résident de l’IFC, fin connaisseur de la Tunisie, ne mâche pas ses mots: «Laissez-nous travailler, ne nous mettez pas de bâtons dans les roues; le secteur privé tunisien est très compétitif (au niveau de la sortie usine) mais quand il exporte, il n’est plus compétitif. Il faut faciliter le flux des fonds pour que la PME puisse exporter et rapatrier l’argent sans difficulté, les entreprises qui travaillent en Afrique subsaharienne ont beaucoup de difficultés…».
Raoudha Boukadida, DG des Opérations de change à la BCT, répond: «A l’horizon 2025, l’objectif ultime de notre vision est la facilitation, la simplification, prévoir l’internationalisation des entreprises, s’intégrer dans une optique de réforme et la libéralisation progressive; toute une vision au bénéfice de l’opérateur économique, pas uniquement dans le sens classique de l’internationalisation».
Ce sont de bonnes nouvelles mais l’intervention d’Isabelle Bébéar (BPI France) montre la faille qu’il faut encore combler, car elle parle de financements qui vont jusqu’à 75 millions d’euros, d’accompagnement, d’aide à la prospection (si cela ne marche pas, l’entrepreneur ne rembourse qu’une partie!)…
Adel Mohsen Chaabane, président du Conseil des chambres mixtes, enfonce le clou en revendiquant de résoudre les soucis des investisseurs étrangers au quotidien et de changer le mindset de l’administration (délaisser le contrôle a priori) pour une logique Access-to-Files et Access-to-Business. Pour faciliter l’implantation à l’international, il estime que l’apport de la diaspora tunisienne est irremplaçable.
Pour tout dire, le séminaire laisse un arrière-goût d’inachevé, car les témoignages se sont succédé pour énumérer les détails innombrables qui restent à démêler si nous souhaitons que les PME tunisiennes se tournent vers l’internationalisation. Le transfert d’argent, le transport maritime et aérien, les risques, la création de valeur et d’opportunités, les ressources humaines, le financement, les réseaux, la prospection, les assurances, les blocages, les réformes… Tout cela est à démêler en urgence si nous souhaitons prendre le train en marche, surtout en Afrique où notre présence ressemble comme deux gouttes d’eau à une absence.