Rencontré à la faveur du séminaire de lancement du rapport «Paysage de l’emploi en Tunisie», organisé par la Banque mondiale le 6 décembre, Alexandre Arrobbio nous a confié qu’il allait lancer une série de séminaires sur le marché du travail en Tunisie, car il s’agit d’une toute nouvelle approche.
Finies les décennies où la Banque mondiale et la Tunisie multipliaient les enquêtes sur l’emploi sans que celui-ci bouge? Alexandre Arrobbio semble sûr de lui quand il nous parle de dissémination: «Il faut parler de la problématique, échanger, accepter les points de vue les plus contradictoires. L’un des messages les plus importants que nous véhiculons dans ce séminaire est que la raison première de l’insuffisance de la performance de l’emploi est la médiocrité de la croissance économique depuis la révolution de 2011. L’élasticité élevée entre l’emploi et la croissance observée dans la période postrévolutionnaire, laquelle est bien supérieure à la moyenne des pays à revenu intermédiaire, indique qu’un taux de croissance économique légèrement plus élevé aurait généré un taux de création d’emplois tout aussi élevé».
L’autre message d’Alexandre Arrobbio est de souligner qu’il existe une forte proportionnalité entre salaire et diplôme, et que c’est une bonne chose, car c’est un encouragement de taille. Et nous en avons besoin pour lancer une dynamique de l’emploi en Tunisie.
Notre interlocuteur ne nous dit que quelques mots sur les emplois informels mais il insiste sur le fait que le concept d’informalité est très important et qu’il s’agit d’aller au fond des choses, notamment par le biais des incitations à la déclaration des employés. Car cette informalité est aussi astreignante pour l’économie que le sous-emploi des femmes et des jeunes, surtout les diplômés.
Seulement, Arrobbio ne veut pas ‘pousser’ outre mesure les décideurs, sûrement pour maintenir ce climat de confiance qui règne entre eux depuis toujours: «Nous ne proposons pas un plan d’action mais nous soulignons par exemple qu’il est insoutenable qu’environ 20% de l’emploi net ajouté au cours de la période 2011-17 soit imputable à l’expansion de l’emploi dans le secteur public ainsi que dans les services de santé et d’enseignement, et donc que cela n’est potentiellement pas une voie durable à moyen terme».
Sur les questions des réformes, il nous parle d’une série de thématiques qui intéresseraient les politiciens tunisiens et montrent que la question de l’emploi est une question difficile où beaucoup de choses doivent être traitées à la fois sur le long terme. Selon lui, une analyse en profondeur du lien entre le degré de rivalité des marchés de produits et le manque de dynamisme au niveau des entreprises (un facteur clé de la faible croissance économique du pays) pourrait mettre en lumière les leviers politiques nécessaires à actionner pour promouvoir la croissance des entreprises et la création d’emplois et, dans la foulée, favoriser une plus grande participation et un meilleur taux d’embauche chez les femmes et les jeunes.