Créé à Tunis il y a 10 ans, le Lab’ess a pour mission de soutenir le mouvement associatif de l’économie sociale et solidaire (ESS) et l’entrepreneuriat social comme levier d’un développement solidaire inclusif et durable. Son cœur de métier est d’accompagner et de financer les acteurs du changement et de promouvoir un modèle économique au service de l’humain, à travers ses missions de sensibilisation du grand public ainsi que par son plaidoyer auprès des pouvoirs publics.
Pour son dixième anniversaire, le Lab’ess met à l’honneur 3 collaboratrices qui s’engagent auprès des acteur.rice.s du changement, pour permettre la transition vers un modèle plus éthique et tourné vers l’humain.
Quel est votre rôle au sein du Lab’ess?
Sonya Zaïem (SZ): Je suis la directrice adjointe du Lab’ess, une organisation qui regroupe une équipe de 20 personnes très engagées. Mon travail peut se décomposer en quatre missions principales: je co-construis et mets en place le plan stratégique de l’association, j’anime une équipe de responsables opérationnels, j’ai également un rôle de promotion des activités du Lab’ess et de représentation officielle de l’association.
Diane Lemaire (DL): Je suis responsable développement, un poste en charge de la vision future du Lab’ess. D’une part avec la recherche des futurs partenaires et la construction des nouveaux projets qui permettront de poursuivre notre but d’accompagnement et de financement des porteur.euse.s de projet à impact. D’autre part, avec le travail sur la stratégie de développement de la structure, en menant avec la direction, les partenaires et les équipes opérationnelles une réflexion sur nos manières d’intervenir sur les territoires et notre modèle économique à venir.
Ibtissem Kerdjani (IK): En tant que responsable de projets, mon rôle consiste à partager l’expertise du Lab’ess afin de renforcer les capacités d’incubateurs dans la région MENA et les aider à se spécialiser dans l’accompagnement d’acteur.rice.s de l’ESS. D’autre part, je gère avec mon équipe un programme d’accompagnement d’entrepreneur.e.s de la diaspora tunisienne présente en Europe.
Pourquoi avez-vous voulu rejoindre le Lab’ess?
SZ : Avant de rejoindre le Lab’ess, j’ai évolué dans le milieu de la communication et celui de la microfinance. Lors de cette dernière expérience, nous aidions les micro-entrepreneur.e.s, qui avaient des difficultés d’accès au secteur bancaire. J’avais envie de poursuivre auprès d’une structure qui génère encore plus d’impact et avec laquelle je partage les mêmes valeurs. J’ai intégré le Lab’ess parce que l’Économie sociale et solidaire met l’humain au cœur de son action et apporte des solutions concrètes à la Tunisie!
DL: Après avoir travaillé dans le secteur privé ou auprès de bailleurs de fonds, l’envie de me rapprocher du niveau local et de l’impact a émergé. La question du sens dans le travail est une question qui prend de plus en plus d’importance chez les jeunes professionnels, dont je fais partie. Travailler au Lab’ess pour l’ESS, sur l’entrepreneuriat à impact, ou avec les associations, c’est m’engager auprès des acteurs d’un changement auquel je crois.
IK: Spécialisée dans la finance, l’intelligence marketing et la veille stratégique, j’ai eu l’occasion de travailler avec une startup basée au sein d’un espace de coworking. J’ai été inspirée par cet écosystème riche en échanges, partage et entraide. J’ai eu envie de travailler dans un endroit qui me permettrait de retrouver cette dynamique. Je me suis alors spécialisée afin de devenir formatrice et ainsi pouvoir appuyer les startups. J’ai ensuite découvert le Lab’ess, au sein duquel j’ai trouvé des valeurs qui s’alignaient sur les miennes.
Quel aspect de votre métier vous plaît le plus?
SZ: C’est de codiriger une organisation apprenante, performante et résiliente qui répond à des enjeux sociétaux et environnementaux. L’une de mes missions est d’animer une équipe qui mène des projets et programmes à impact en Tunisie et dans les pays voisins tout en valorisant nos actions et en communiquant sur notre impact. C’est aussi de voir la communauté des acteur.rice.s et le secteur de l’ESS en Tunisie qui évoluent grâce notamment au travail que l’on mène depuis plus de 10 ans. Nous avons soutenu plus de 95 entrepreneur.e.s sociaux.ales et nous avons accompagné plus de 1800 associations, à ce jour!
DL : Il y a 3 choses principales: la diversité de mon métier, ses challenges et la perspective future. C’est un travail avec des actions très diverses qui combine des phases d’écriture, de veille et de réflexion sur la construction des projets, des phases de rencontres avec des bailleurs, des futurs partenaires, des liens avec les équipes en interne. Le quotidien ne se ressemble jamais! Il y a la question des challenges et du futur, puisque lorsqu’on aborde un nouveau projet, on doit toujours envisager la suite, la pérennisation des activités, anticiper les besoins et les évolutions.
IK: J’aime la vitesse à laquelle le changement se fait. L’écosystème est plein d’innovation et de créativité. Je suis motivée par le contact et l’échange avec les bénéficiaires. Pour chaque projet, chaque startup, il faut se former, se documenter, acquérir une certaine expertise. C’est un apprentissage continu, un transfert de connaissances, qui m’anime beaucoup!
Pour vous, qu’apportent les acteurs de l’Economie sociale et solidaire?
SZ: L’entrepreneuriat social est, selon moi, une solution qui réconcilie différents mondes, en conjuguant à la fois l’intérêt général et les bonnes pratiques de l’économie. C’est une solution qui crée des coopérations intelligentes et apporte une contribution positive à la société, telle que l’insertion de publics éloignés de l’emploi. Cette approche permet la prise en compte d’enjeux tels que la sobriété, là où l’État ou le secteur privé sont sans réponse.
IK: Les acteurs de l’ESS défendent des valeurs autour de l’humain, de l’équité et de l’environnement. Ils sont attentifs à ces valeurs dans leurs manières de travailler, depuis les processus de production jusqu’à la commercialisation de leurs produits et services, ou encore le choix de leurs fournisseurs. Cette réflexion sur leur façon d’entreprendre a vocation à générer un impact positif pour la société.
DL: L’ESS a pour vocation de faire évoluer le modèle économique actuel avec une transition vers un modèle plus éthique, qui réfléchit à son impact sur la planète, sur les populations et prend en compte ses salariés. Je crois dans la possibilité qu’ont ces acteur.rice.s de générer des revenus tout en faisant mieux, que ce soit pour la planète, la santé ou la société. Dans l’ESS, on trouve aussi des associations qui ont des projets à court terme pour répondre efficacement à un problème local mais aussi des associations qui, comme le Lab’ess, ont vocation à pérenniser leurs activités, avec un impact durable.
Pouvez-vous nous parler de votre plus grande fierté au Lab’ess?
SZ: Le fait que l’argent ne soit pas le moteur du projet peut parfois compliquer la compréhension de la démarche de l’entrepreneuriat social. Il y a une réelle volonté d’entreprendre pour les autres en utilisant les moyens financiers à notre disposition pour y arriver. Même si on assiste à un développement progressif d’investisseurs à impact, l’entrepreneuriat social reste encore souvent incompris des financeurs classiques. Dans notre accompagnement avec les entrepreneur.e.s, nous devons leur apprendre à adapter leur discours pour pouvoir assumer leur projet et convaincre des organismes de financement. Afin de permettre aux entrepreneur.e.s de l’ESS de se développer, nous sommes heureux d’avoir développé un dispositif de prêt d’honneur depuis 2021.
DL: Ma plus grande fierté est Samim, un projet multi-pays de renforcement de la société civile autour de la thématique de la ville durable. C’est le tout premier projet porté par une association du Sud qui est financé en direct par l’Agence française de développement, qui nous a fait confiance pour porter ce projet de plus de 3 millions d’euros, avec une portée régionale sur 4 pays. Dans le cadre de Samim, nous travaillons avec des partenaires locaux, des structures d’accompagnement du bassin sud de la Méditerranée.
IK: Vraiment ravie de pouvoir suivre les évolutions des bénéficiaires. Le projet Idwey en est un très bon exemple. Cette plateforme de tourisme durable est arrivée au Lab’ess en 2019, pour intégrer la promotion n°5 de notre programme d’incubation. C’était seulement une idée portée par un groupe de jeunes avec zéro moyens techniques et financiers. Idwey fête maintenant ses 3 ans, est labellisé Startup Act et génère un chiffre d’affaires. C’est une entreprise établie, qui a tenu le coup malgré la Covid. Je suis fière d’avoir pu les accompagner et de continuer encore aujourd’hui. Le Lab’ess porte, avec les entrepreneur.e.s, leurs projets. Nous sommes reconnus pour cela dans l’écosystème et même félicités pour les réussites de nos incubés!
Quels sont les projets du Lab’ess?
SZ: Pour maximiser son impact social et environnemental, le Lab’ess lance «Essentielles», un nouveau programme d’incubation de projets à impact avec une promotion exclusivement composée de femmes, situé à Sfax et ses environs (région Centre-Est). Soutenu par l’AFD, Expertise France et la Caisse des dépôts et consignations, ce projet permettra au Lab’ess d’améliorer son soutien en région et d’assister une tranche de la population encore trop éloignée de l’Économie sociale et solidaire.
IK: En 2023, dans le cadre de Safir, nous allons lancer un référentiel de qualité sous la forme d’un guide régional pour les structures d’accompagnement à l’entrepreneuriat social et solidaire dans la région MENA. Ce sera un guide qui pourra être une référence pour tout incubateur de la région qui souhaite structurer ses méthodologies d’accompagnement.
DL: Le projet Samim, tourné vers le bassin méditerranéen, va bientôt être lancé, avec les appels à candidatures qui débuteront début 2023. Nous travaillons aussi sur l’évolution de notre incubateur à Tunis en accélérant l’utilisation du prêt d’honneur qui permet de financer des entrepreneur.e.s qui sont passés par notre programme d’incubation. Il y aura également un travail autour de notre modèle économique et de la possibilité de proposer des services qui pourraient être en dehors du cadre de nos projets actuels. Nous avons encore de multiples projets qui se développeront dans les mois à venir!