Alors que la grève des boulangers s’annonce pour demain mercredi 7 décembre, Managers publie l’interview exclusive d’Eric Kayser, fondateur et président de la maison éponyme Eric Kayser de boulangerie et de pâtisserie. Elle a été publiée dans le magazine papier de Managers au mois de novembre 2022.
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Dans cette édition du mois de novembre, nous sommes allés à la rencontre d’une des enseignes qui se développe en franchise de l’Asie à l’Afrique en passant par les Etats-Unis d’Amérique. Eric Kayser, fondateur et président de la maison éponyme, évoque son point de vue sur l’internationalisation d’un savoir-faire artisanal typiquement français. Le secret de l’essor de la franchise revient à une invention unique du boulanger Eric Kayser: des machines capables de produire un levain liquide de haute qualité et prêt à l’emploi.
M. Kayser, vous avez créé votre premier point de vente en 1996 à la rue Monge, à Paris. Aujourd’hui, vous comptez plus de 300 magasins dans 35 pays. Comment voyez-vous votre rôle dans le développement de l’enseigne «La Maison Kayser»?
Mon rôle en tant que fondateur de l’enseigne et premier dirigeant est avant tout de motiver les équipes. Je me dois aujourd’hui d’avoir le sens de l’exemplarité, que ce soit sur le terrain avec mes équipes ou dans le back-office. Quand on effectue un métier manuel comme la boulangerie, l’aspect humain du business est crucial. Il est facile de peaufiner les stratégies et de maîtriser les chiffres; toutefois, il est moins commun et plus important de se remettre en question et de savoir se motiver pour aller de l’avant.
Selon votre expérience et votre apprentissage de la vie, quelles sont les valeurs les plus importantes qui vous permettent de sélectionner les candidats à l’international?
Un bon partenaire international est un partenaire qui peut partager nos valeurs du travail et l’envie de réussite. Par ailleurs, je me suis déjà trompé, soit par appât d’un gain, soit par vanité. Avec plus de recul, lorsqu’on réalise que ce partenaire n’est pas le bon, il est très important de prendre très rapidement la décision de rompre le partenariat.
Comment la Maison Kayser fait-elle face aux évolutions technologiques? Comment la voyez-vous dans les 5 prochaines années?
Nous avons adopté les dernières technologies dans nos process de fabrication, ce qui facilite beaucoup le travail des équipes de production. Nous avons également introduit la technologie dans la gestion du back-office, comme les plateformes de livraison, l’interaction avec nos fournisseurs. Toutefois, nous souhaitons rester une enseigne à dimension humaine, proche de ses clients, qui peuvent toujours nous parler à nous et pas à des robots. La technologie aura toujours un rôle de support et non le contraire.
Quel marché a été pour vous une vraie surprise en termes de développement en dépassant vos attentes?
J’ai été surpris par plusieurs marchés en Afrique, à l’instar de la République démocratique du Congo où les consommateurs faisaient la file pour venir goûter à nos sandwichs. Nous sommes impressionnés par le rôle que joue internet dans la promotion de nouveaux modes de consommation partout dans le monde. Les gens aspirent à découvrir le monde et à passer les frontières à travers une visite dans nos magasins. Il faut dire que, de nos jours, le blé se taille une part importante du marché avec le riz qui est traditionnellement le repas de base en Afrique.
Comment évaluez-vous le potentiel des nouveaux marchés à l’international?
Dès que j’arrive dans un nouveau marché, je fais d’abord le tour de la ville, je regarde les cafés, je prends le temps de déjeuner avec les gens. Je fais aussi le marché du quartier, me promène sur des artères pour comprendre le fonctionnement, les habitudes, etc.
Est-ce que, dans votre politique, vous vous adaptez à la culture locale?
Moi, je suis un formateur à la base. Le transfert de savoir-faire fait partie de mon identité. Les populations ont envie d’apprendre et d’acquérir des compétences dans de nouveaux métiers. Chaque marché est passionnant et le fait de les aider à bien vivre et à bien manger est important. J’aime aussi montrer, à travers nos produits et notre enseigne, que la France est un beau pays. Par ailleurs, c’est important de respecter le contexte du pays dans lequel nous nous implantons. Par exemple, au Japon, les consommateurs aiment manger de petites portions qui ne dépassent pas la taille de la bouche, alors on doit s’adapter.
Quelles sont pour vous les clés du succès?
Pour moi, c’est indéniablement la parole donnée et la force du travail. Je n’envisage pas de réussite pérenne et solide sans effort. Je pense aussi que lorsqu’on réussit, il faut, chacun à son niveau, faire des donations. Les enseignes de franchise sont très souvent empreintes par le fondateur qui transmet ses valeurs aux équipes mais également aux futurs franchisés. Le concept, la force du transfert de savoir-faire, la vitesse d’expansion sont corrélés à ces valeurs. Mais plus encore, ce sont les investisseurs dans le réseau qui en deviennent les premiers ambassadeurs. Il est donc primordial de s’assurer de bien connaître le premier responsable, voire le fondateur d’une franchise avant de s’engager dans une vision commune.
Rym Bedoui