Opérant depuis 60 ans dans le domaine de l’oncologie, en dermatologie et en dermo-cosmétique, le groupe Pierre Fabre a su se forger un nom et conforter son positionnement aussi bien dans le pays d’origine qu’à l’échelle internationale. La consolidation de ce partenariat et la fixation des nouveaux choix stratégiques pour le groupe en Afrique sont parmi les sujets évoqués lors de la dernière visite du président-directeur général du groupe Pierre Fabre, Eric Ducournau, en Tunisie. Interview.
Pouvez-vous nous présenter le groupe Pierre Fabre en quelques chiffres?
Pierre Fabre est une entreprise spécialisée dans deux domaines, à savoir la dermo-cosmétique, à travers la commercialisation de diverses marques très connues en Tunisie, comme Avène et Ducray, et les médicaments. Nous faisons un chiffre d’affaires de 2.5 milliards d’euros et nous sommes présents en Tunisie depuis une trentaine d’années. En Tunisie, nous avons un partenariat bien établi depuis 2007 avec la Siphat à travers le lancement d’une usine en commun. C’est un partenariat public-privé à travers lequel nous détenons 65% du capital et nous fabriquons des médicaments destinés au marché local et à ceux de l’Afrique subsaharienne.
Selon vous, quel est le secret derrière la pérennité et la résilience de votre groupe tout au long de ces 60 ans?
La pratique de la remise en question est un exercice essentiel pour assurer un rythme d’évolution permettant la pérennité de l’entreprise. Dans le cas du groupe Pierre Fabre, deux facteurs ont assuré la pérennité de l’entreprise. Le premier est l’innovation, désormais élément de survie. Cela lui permet de se démarquer par rapport aux concurrents et de conforter son positionnement sur le marché. Le second facteur est l’originalité. Pour une entreprise de taille moyenne comme la nôtre, l’originalité est cruciale pour améliorer son image auprès des différents clients et les fidéliser. L’originalité dans notre cas est assurée à travers le médical et la naturalité: dans le domaine de la dermo-cosmétique, nos produits sont composés à 66% d’éléments naturels et également dans les médicaments, nous optons pour les ingrédients issus de la nature. Nous sommes également, dans le contexte français, la seule entreprise qui soit détenue majoritairement par une fondation à but humanitaire: la Fondation Pierre Fabre. Ainsi 86% des dividendes générés par le groupe sont reversés à la fondation pour ses actions humanitaires menées en Afrique et en Asie du Sud-Est. C’est une originalité qui contribue également à la pérennité de l’entreprise.
Est-ce que vous pouvez nous donner une idée sur vos politiques en matière de production de médicaments?
Nous focalisons nos efforts sur trois spécialités, à savoir la cancérologie, la dermatologie et les maladies rares. Notre choix de nous spécialiser dans des domaines bien précis ou des niches est bien étudié, puisque même avec un budget d’innovation de 50 millions d’euros, qui est important par rapport à notre taille, nous faisons face à une concurrence accrue avec des géants sur le marché international.
Est-ce que le choix a été fait en fonction de la demande en France ou bien de la demande internationale?
Au fait, notre choix est le résultat de l’intersection de trois facteurs ou critères: le premier facteur est la disponibilité de l’expertise nécessaire à l’innovation et au développement. Le deuxième facteur est la demande exprimée dans certains sites, le potentiel de croissance que l’on mesure avec notre capacité d’investissement et la veille sur le couple risque-rentabilité. Le troisième et dernier facteur est la soutenabilité économique du projet, car il faut préciser, ici, que quand une entreprise investit dans la recherche et développement, elle a une chance sur deux que ses investissements ne soient pas rentables. Donc, le choix d’investir dans une spécialité doit être minutieusement étudié, car c’est un grand engagement pour l’entreprise.
Vous avez une forte présence en Tunisie, matérialisée par un partenariat public-privé. Pouvez-vous nous parler de votre plan stratégique en Tunisie?
Nous sommes présents en Tunisie avec pratiquement 130 collaborateurs. La Tunisie représente pour nous un pont pour l’Afrique. Nous générons un chiffre d’affaires de 50 millions de dinars qui est un montant significatif pour notre groupe. Nous visons à rendre la Tunisie un site d’exportation pour l’Europe et notamment la France. Le pilier fondamental de notre plan stratégique est l’innovation et l’amélioration continue des standards de qualité. Nous visons à augmenter la capacité de production de notre usine de 7 à 10 millions d’unités à l’horizon 2025. Nous travaillons sur le lancement de nouveaux médicaments pour le cancer du sein et de moyens de prévention, notamment avec la campagne d’Octobre rose. Tous ces points sont à l’ordre du jour de ce voyage en Tunisie. Je tiens, également, à préciser que la Tunisie ne représente pas seulement pour nous un comptoir de ventes, mais aussi un site stratégique sur lequel mise notre groupe. Au fait, l’intégralité de notre production est localisée en France avec deux usines seulement en dehors du territoire français: la première au Brésil et la seconde en Tunisie, d’où nos efforts soutenus pour le renforcement de notre positionnement ici.
Vous avez dit que votre groupe a deux usines en dehors de la France, l’une au Brésil et l’autre en Tunisie. Pour le site tunisien, qu’en pensez-vous par rapport aux points forts et aux réformes à mettre en place?
Pour le site tunisien, je pense que votre pays est doté de trois principaux atouts. Le premier est l’organisation des médicaments, une Pharmacie centrale et un corps médical très bien établi. Le deuxième est qu’il y a des opérateurs du métier travaillant en Tunisie depuis très longtemps. Le troisième atout est que le gouvernement tunisien mise sur les exportations. Dans le cas de notre groupe, notre usine en Tunisie exporte 52% de sa production, soit plus que la moyenne des autres opérateurs qui exportent à concurrence de 30%. Cibler davantage les exportations dans ce domaine renforcera le positionnement de la Tunisie et son attractivité. Pour ce qui est des pistes d’amélioration, le premier axe d’amélioration est le travail continu sur l’innovation et le maintien d’une qualité de produits qui répond aux standards internationaux, notamment européens, et à ceux de l’Amérique du Nord. Dans ce sens, le travail fait entre l’agence tunisienne des médicaments et les agences européennes et de l’Amérique du Nord est très important. La seconde piste d’amélioration sur laquelle la Tunisie pourrait travailler est le développement de bonnes relations avec tous les pays de la zone, notamment ceux de l’Afrique subsaharienne. Tisser des liens avec les agences de ces pays et la présence de l’Etat là-bas, à travers ses différentes représentations, faciliterait le travail des opérateurs tunisiens dans ces pays et la croissance de leurs activités.