Pour la première fois, les Tunisian Finance Days ont consacré le plus clair de leur conférence hybride à la dimension durable de la finance; sur un pied d’égalité avec la sacro-sainte digitalisation. Tel est le parti pris par l’association Reconnectt les 3 et 4 novembre 2022 à Tunis, avec le soutien de l’UBCI, Vermeg, Harington et ELYADATA.
La conférence a ainsi abordé la logique de rupture où la résilience, et donc l’avenir, du système financier tunisien dépend de ces deux contraintes. Une résilience dont les atouts, les limites, les menaces et les opportunités ont été mis à plat par 3 experts qui connaissent le système et ses dimensions de digitalisation et de durabilité.
Hédi Laarbi, ex-ministre de l’Équipement, de l’Aménagement du territoire et du Développement durable et enseignant universitaire en France et aux USA, regrette qu’en matière de finance durable, il n’ait pas trouvé de projet autre que celui de la BCT et pas la moindre évaluation, le moindre suivi. «C’est la tare de toutes nos politiques publiques! Cela alors que la RSE, dans un pays comme la Tunisie, est fondamentale. Il faut trouver rapidement où cela bloque et faire en sorte que notre environnement soit prêt à accueillir la RSE», ajoute-t-il.
Hanen Ben Ayed Koubaa, Senior Expert Reporting ESG à Key Values France, avertit que le système bancaire est devant des opportunités mais aussi des risques de ne pas être prêt à ces enjeux, alors que les standards européens se durcissent dans ce domaine. Selon elle, son adhésion aux critères ESG (enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance) donne au secteur un rôle de locomotive. «La loi sur la RSE est encore sans textes d’application et nous avons développé des stratégies qui sont restées dans les tiroirs», souligne-t-elle.
Karim Hajjaji, Global Chief Operating Officer de la Banco Santander de Grande-Bretagne, est convaincu que la finance durable est une opportunité, à la condition de l’engagement de l’Etat. Selon lui, il y a une politique d’économie verte et circulaire en Tunisie mais il y a un manque de visibilité et d’ambition. «Il y a des entrepreneurs tunisiens qui ont pris l’initiative de créer des projets dans l’écotourisme, la nouvelle agriculture… et nous avons le devoir de les soutenir et d’encourager la création de startups et PME de l’économie verte».
Le diagnostic des Tunisian Finance Days dépasse la dimension de durabilité pour s’étendre à une perspective plus large; là où l’enjeu est d’abord interne, politique, puis éprouvant l’agilité du secteur bancaire, impliquant un changement de business model qui prend en compte l’IA, le digital banking, le partenariat avec les fintechs, le reporting extra-financier, la data science, les effets des risques climatiques sur la finance internationale… et surtout l’engagement dans une démarche concrète qui ne perdrait pas de vue que les enjeux ESG et la transformation digitale doivent travailler la main dans la main.
Les Tunisian Finance Days ont également posé un nouveau regard sur le problème des compétences tunisiennes expatriées que beaucoup considèrent comme une fuite de cerveaux. Selon les intervenants, l’Etat devrait voir ces ‘expats’ comme des ambassadeurs et se présenter comme un hub général de l’enseignement qui se concentrerait sur la séduction des Africains, par exemple, qui seraient intéressés par des cursus de qualité mais moins chers qu’en Europe ou aux USA.