Les menaces nucléaires de Vladimir Poutine, évoquant les forces de l’armée russe qui sont «en régime spécial d’alerte», font que personne n’est à l’abri d’une guerre d’ampleur fracassante à bien des égards. Adel Trabelsi, directeur général du Centre national des sciences et technologies nucléaires (CNSTN), nous éclaire sur les répercussions d’une éventuelle utilisation de l’arme nucléaire dans le conflit russo-ukrainien.
Et si on revenait à l’histoire de Tchernobyl? Que peut-on en tirer?
Il faut reconnaître que le risque d’un accident nucléaire en Ukraine est peu élevé. Aucune information officielle ne laisse croire à la probabilité d’un tel désastre. La situation est sous contrôle si on se base sur les données scientifiques de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Des équipes sont en présence continue dans les couloirs de la zone d’emploi du nucléaire.
Cependant, même en cas de radioactivité émanant de la détonation d’une arme nucléaire tactique, celle-ci serait bien plus faible que celle de l’explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986. Cette dernière a entraîné des dégâts colossaux, contaminant de nombreuses espèces.
Qu’en est-il de la Tunisie?
Pour ce qui est de la Tunisie, elle est dotée, depuis 1993, d’un système législatif d’avant-garde. Et elle s’est imposée par le biais de sa structure administrative et technique, le Centre national des sciences et technologies nucléaires, en coopération avec l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Organisation mondiale de la santé, le Service central français de protection contre les rayonnements ionisants et le Commissariat à l’énergie atomique français, indépendamment du conflit russo-ukrainien.
Les recherches scientifiques et les rapports montrent que la fuite des radiations nucléaires est relativement éloignée de la Tunisie, cela est expliqué par de nombreux enjeux.
La trajectoire de l’arme atomique est tracée, géographiquement, par l’Europe du Nord, l’Europe centrale, l’Europe du Sud et arrive, en Afrique du Nord, amoindrie. L’exposition est directe au Belarus et dans les pays européens voisins.
La Tunisie est, quant à elle, en quatrième position en termes de risque de radiation. Et en cas d’utilisation d’armes nucléaires, le CNSTN aura non seulement le temps mais il sera aussi en mesure de mettre en place les meilleures stratégies de protection et de sûreté. D’ailleurs, il serait préalablement informé par les entités spécialisées avec lesquelles il coopère.
Le CNSTN est-il suffisamment outillé en cas de danger nucléaire?
Le centre dispose d’experts et d’outils technologiques de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Il est informé à la minute près de chaque recherche-développement en matière atomique. Il assure une véritable traçabilité de chaque modification, selon les normes standards.
Le centre a réalisé à maintes reprises des missions nationales de maîtrise des technologies nucléaires à des fins sociales et économiques et des missions de contrôle des produits industriels qui demandent une haute protection, voire une assistance sur le terrain. Citons l’exemple des déchets importés d’Italie débarquant sur le sol tunisien illégalement. Le CNSTN a pris les mesures de contrôle nécessaires sur le plan nucléaire. Il a adressé une confirmation officielle qu’il s’agit bien de déchets ménagers.
Pouvez-vous, professeur, nous dire si les effets de la radioactivité peuvent s’amplifier sous l’effet d’autres facteurs étrangers?
Le climat venteux et sec, l’intensité de la radiation et l’étendue des irradiations en Ukraine dépendent de la puissance explosive de l’arme et de la force du vent.
Le changement climatique n’a pas une relation directe avec l’engin atomique. Il relève du type de pénétration des rayonnements ionisants: aérien ou marin.
D’une manière plus précise, les impacts sont liés à la pollution radioactive.
En outre, les recherches scientifiques admettent que le danger ne cible pas un individu mais l’ensemble de la population. Cette énergie nucléaire a un pouvoir de destruction massive à long terme, un scénario inquiétant, et son emploi touchera l’écosystème dont l’être humain sera la principale victime. Sans oublier de rappeler la précarité des relations diplomatiques, donc la dégradation de l’économie mondiale en raison de la montée des pénuries, fruit essentiellement des maladies chroniques. Cependant, le risque serait différent de l’accident de Tchernobyl, car en ce temps-là, il n’y avait pas les outils technologiques et les ressources humaines nécessaires.