Les difficultés éprouvées par l’État à faire face seul à la persistance du chômage, à l’accentuation de la pauvreté et au creusement des inégalités sociales et régionales l’ont amené à considérer l’économie sociale et solidaire (ESS) comme une solution pour une partie de ces problèmes. Son potentiel est mis en avant, mais les statistiques ne sont pas flatteuses.
Selon Entrepreneurs of Tunisia, les entreprises opérant dans l’ESS sont au nombre de 119, dont 43% sont des startups labellisées. Par secteur d’activité, 22 sont dans l’agritech, 22 dans l’environnement et l’impact social, 21 dans l’art et l’artisanat, 20 dans les loisirs et le tourisme, 15 dans les technologies de l’éducation, 15 dans la santé et beauté et 4 dans le transport.
Par région, le Grand Tunis abrite 47% de ces entreprises, contre 9% à Sousse et Mahdia, 9% à Gafsa et Kairouan, 6% au Kef et Jendouba, 6% à Tataouine et 3% à Sfax. Le nombre moyen de collaborateurs par entreprise est de 4,3 et l’âge moyen est de 36,2 années.
Ce nombre aurait été plus important si la Covid n’était pas passée par là. 15% de ces entreprises sont aujourd’hui exposées au risque de fermeture. D’ailleurs, 32% d’entre elles ont opté pour de nouvelles activités à la suite de la crise sanitaire.
Le financement de ces sociétés est assuré à hauteur de 52% par des autofinancements. Les subventions représentent 32% des ressources, contre 21% pour les fonds propres et 12% pour les donations. Actuellement, 44% des entreprises sont en quête de nouveaux financements et 72% se sont inscrites dans l’un des programmes de soutien.
Il est donc évident que dans l’état actuel des choses, il ne convient pas de crier victoire. Il ne faut surtout pas surestimer le potentiel de l’ESS en Tunisie. Pour le moment, il n’y a que des petites unités qui opèrent essentiellement dans le tertiaire. Elles sont absentes dans la finance, l’industrie, et dans de nombreux services marchands tels que la restauration.
Les performances demeurent faibles, en partie à cause du retard dans la promulgation des décrets d’application de la loi sur l’ESS. Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi la marginalisation des acteurs de la société civile. Les acteurs économiques classiques n’ont pas encore compris qu’il faut intégrer l’ESS comme une nouvelle voie qui vient enrichir la dichotomie traditionnelle public/privé. C’est ainsi que les populations marginalisées et exclues des politiques publiques pourraient faire entendre leurs voix.
Même avec un arsenal de textes réglementaires, l’ESS ne changera rien en Tunisie si les mentalités n’évoluent pas. De plus, la concurrence des entreprises citoyennes est un risque à ne pas négliger, car l’idée fondamentale est identique, avec la différence d’avoir un fort appui politique.