Rêve américain et Silicon Valley se côtoient dans les projets d’avenir de nombreux startuppeurs et entrepreneurs tunisiens. Au-delà de l’aspect éthéré du rêve, comment cela se passe-t-il sur le terrain?
Managers et Reconnectt ont organisé jeudi un webinaire intitulé “They founded their company in North America”. C’est le deuxième volet de la série “On the Way to our Talents in North America”. Les panélistes interrogés sont Hichem Sellami, co-founder d’Incorta (San Francisco, Californie), Besma Rouai-Abidi, présidente et CEO de Phelps2020 (Knoxville, Tennessee), et Amine Riahi, co-founder de Epilert et Ostelflow (San Francisco, Californie). Le panel a été modéré par Lobna Karoui, Head of Data & Artificial Intelligence Center of Excellence pour Capgemini France (Paris), et Sarra Boussen, journaliste économique à Managers (Tunis). Le webinaire a été coordonné par Sami Ayari, président de l’association Reconnectt et expert in IT organisation & Data à BNP Paribas (Paris).
Des débuts difficiles
Les trois entrepreneurs s’accordent sur le même point. Les débuts d’une entreprise sont déjà un challenge en soi. Fonder son entreprise en s’adaptant à une nouvelle culture est un challenge supplémentaire. Pour Amine Riahi, le plus jeune des trois, l’équipe a commencé de zéro. Elle est allée s’installer aux USA en 2019, juste avant la Covid. Ses collaborateurs et lui ont dû se débrouiller pour survivre non seulement aux débuts de l’entreprise, à la vie dans un nouveau pays mais aussi à la pandémie.
Basma Rouai-Abidi a connu un parcours différent. Elle et son mari, enseignants chercheurs pendant 12 ans, ont d’abord travaillé avec Phelps Engineering pour ensuite fonder Phelps2020 (d’où est tiré le nom). Son mari est resté chercheur et elle a pris la gestion de l’entreprise à plein temps. Elle a cité la NSF (National Science Foundation), agence indépendante du gouvernement des États-Unis, destinée à soutenir financièrement la recherche scientifique fondamentale. Les financements proviennent de fonds du gouvernement américain. Pour faire naître Phelps2020, il a fallu monter un dossier complexe et attendre l’aboutissement des démarches.
Hichem Sellami a profité de son expérience chez Oracle pour analyser la situation du marché. Son expérience de près de 8 ans avec Oracle lui a permis d’observer les besoins des clients, leurs réclamations et leurs attentes. Cela a amené à développer de nouvelles solutions qui répondent à ces attentes en utilisant des technologies plus récentes.
Comment lever des fonds ?
Une fois que l’entreprise est créée, il faut financer l’équipe, la R&D et faire progresser le business. Besma Rouai-Abidi a pour particularité de ne pas avoir levé de fonds. L’entreprise est financée par le gouvernement. L’avantage est de ne pas vendre ou donner d’actions. L’inconvénient est que le budget est réduit et la compétition est rude. Pour démarrer son entreprise, elle évoque le Small Business Innovative Research, où toutes les agences gouvernementales participent. Cela permet aux PME d’y commencer, avec un taux de succès de 5 à 8%.
Amine Riahi et Hichem Sellami ont levé des fonds. Les business angels, la love money sont cités à plusieurs reprises aux commencements de l’aventure entrepreneuriale. Amine Riahi a participé à plusieurs campagnes de financement: 400k TND au début avec des business angels, puis le Draper University Acceleration Program avec 50k $ pour la 4e place. Enfin, Epilert a lancé une campagne de crowdfunding qui a permis de collecter 5k $ via des précommandes. Hichem Sellami a pitché auprès des VC de la fameuse Sand Hill Road. Il a déclaré: “Je connais tous les shops de Sand Hill Road”. L’équipe d’Incorta a commencé à pitcher avant le lancement officiel de l’entreprise en 2014. Cela a donné un aperçu de l’écosystème américain des startups, pour mieux répondre aux besoins par la suite. Les questions qui sont souvent posées par les investisseurs sont l’expérience dans l’écosystème startup et les compétences techniques très poussées niveau IT.
Hichem Sellami conseille d’y aller par paliers. Ses amis ayant plus d’expérience lui ont conseillé de ne pas tout de suite aller vers les plus grands investisseurs. En effet, le risque est de trop dépendre de leurs décisions, ou bien de dépenser l’argent trop rapidement et de se retrouver à en demander à nouveau. Selon lui, ils considèrent chaque startup comme un pari avec 5-10% de chances de réussite. L’idée est de voir si l’entreprise a réussi après 3 ans, et de financer de nouveau. Les deux premières années, Incorta a vécu grâce à des angels funding (financement des amis et de la famille). Par la suite, cette position plus affirmée a permis d’être plus compétitifs auprès des investisseurs et de garder une certaine indépendance.
Se faire connaître auprès des investisseurs
Il n’y a pas que l’aspect financier ou scientifique qui compte. La visibilité et la notoriété jouent également leur rôle dans le succès d’une startup. Amine Riahi conseille aux porteurs de projet qui voudraient gagner en visibilité de partager leurs pitchs sur des plateformes américaines spécialisées. Il cite Angel List Venture https://www.angellist.com/. En s’y inscrivant, cela constitue une base de données pour les investisseurs. L’accès à des fonds peut autant venir de la part de business angels ou de plus grands financements. D’autre part, les incubateurs et accélérateurs sont très compétitifs. En tant qu’étranger, sans expérience aux USA, il est difficile d’intégrer l’écosystème. Il évoque positivement son expérience à l’événement SelectUSA en 2019 avec la délégation tunisienne.