De la terre craquelée, des étalages d’eau en bouteille dévalisés, des plantes desséchées? On ne parle pas de la Namibie, mais bien de la Tunisie. Actuellement, elle fait face à un manque d’eau important et doit gérer ce problème d’ordre vital.
Les oasis, autrefois havre de paix et de fertilité, se retrouvent sans eau pour arroser leurs cultures. Les points de vente d’eau en bouteille sont vidés en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Le stress hydrique conséquent annoncé par les scientifiques devient maintenant réalité. Cela n’est pas seulement le cas de la Tunisie, puisqu’au Mexique, en Inde ou au Kenya, la sécheresse est ravageuse. Selon le dernier rapport trimestriel du Water, Peace and Security (WPS) Partnership, les problèmes d’eau pourraient être tellement importants qu’ils entraîneraient des guerres de l’eau dans les prochaines années.
Le rapport de WPS appliqué à la Tunisie
Le Water, Peace and Security Partnership a été fondé en 2018 pour étudier et trouver des solutions notamment au problème de l’eau. Les partenaires principaux comprennent le ministère des Affaires étrangères néerlandais et la GIZ. L’organisme a publié plusieurs contenus relatifs à la sécheresse: une carte du monde au sujet des conflits liés à l’eau ou encore un outil prévisionnel utilisant le machine learning pour évaluer le risque de guerre à cause de la sécheresse, des inondations ou des insécurités alimentaires. Dans le dernier rapport trimestriel pour 2022, la Tunisie n’est pas comprise dans les pays en conflit ou même dans les pays sous observation. Le Maroc connaîtrait la sécheresse la plus sévère depuis 40 ans, selon ce rapport. Par contre, dans la carte du monde, plus de la moitié du territoire tunisien est considérée comme zone de sécheresse. Nabeul, Sfax, Kairouan, Gafsa, Kasserine, El Kef, Sidi Bouzid forment une région avec beaucoup de pression sur l’eau.
La réalité du stress hydrique en Tunisie
L’analyse de la situation des barrages en septembre montre une situation nettement alarmante des ressources en eau. Selon l’Onagri, le pourcentage de remplissage du stock total aux barrages est de 33%, en oscillant d’un dixième de pourcentage d’un jour à l’autre. En ce qui concerne la pluviométrie, toujours selon l’Onagri, pour le 13 septembre, elle est de très faible à nulle. Cela contribue encore plus à la sécheresse. Des réserves réduites, pas de pluie pour réalimenter les réserves, donc moins d’eau disponible. Même l’eau disponible est souvent de faible qualité. Selon l’Observatoire tunisien de l’eau: “Le nombre d’alertes reçues sur le site de l’Observatoire tunisien de l’eau pour le mois d’août a atteint 255 alertes citoyennes signalant un problème lié au droit à l’eau. Le gouvernorat de Sfax arrive en tête de la carte de la soif avec 30 alertes, suivi de Gafsa avec 23 alertes et Ben Arous avec 21”. Parmi ces alertes, 17 concernaient la potabilité et 196 concernaient des coupures. Le quotidien est fortement impacté par ce manque, qui ne fera qu’augmenter suite au réchauffement climatique et aux prévisions du rapport du GIEC.
Kumulus Water, le robot qui transforme l’air en eau
Une startup tunisienne basée en France propose un appareil qui pourrait beaucoup aider à élargir l’accès à l’eau. Il s’agit de Kumulus Water, qui fabrique le robot Kumulus One. Grâce à l’énergie solaire, le robot utilise l’eau présente dans l’air pour en extraire une eau potable. La machine d’un mètre cube pourrait produire de 20 à 30 l d’eau potable par jour. Iheb Triki, CEO de Kumulus Water, explique les enjeux de l’eau potable en Tunisie. L’eau du robinet, bien que globalement disponible, n’est pas fournie à tout le monde et n’est pas utilisée pour la boire. “La Tunisie a un problème d’eau non potable qui coûte cher en termes de réseau. Effectivement, le réseau d’eau potable possède une déperdition de 40 à 50% à cause du réseau défaillant. Le pays a également un problème d’accès à l’eau, puisque 20% des citoyens n’ont pas accès à l’eau potable. Il existe une problématique similaire en Algérie et au Maroc. Par ailleurs, les 80% ayant accès à une eau dite potable l’utilisent au quotidien mais ne boivent pas d’eau du robinet”.
La solution de repli : l’eau en bouteille, une solution non durable
Pour leur consommation, beaucoup de Tunisiens boivent de l’eau en bouteille. Cette pratique n’est ni économique, ni écologique, ni durable. Iheb Triki détaille les conséquences de cette forme de consommation: “Malgré la petite taille de sa population, la Tunisie a l’un des taux les plus élevés au monde en termes de consommation d’eau en bouteille. Même dans les grandes villes, où l’eau du robinet est disponible, il y a une forte consommation d’eau minérale. Cela génère des coûts de transport, de stockage ainsi que des problèmes de pollution et de gestion des déchets. Or, l’eau de source vient des nappes phréatiques. Une telle consommation d’eau en bouteille est non durable parce que les nappes phréatiques ont un stock limité. Certaines eaux en bouteille ont un coût de production pouvant atteindre 500 millimes par litre”.
Les réussites de Kumulus Water
Les fonctionnalités du robot Kumulus One ont répondu à un besoin (en eau) avec un coût réduit et une autonomie de transport et d’énergie. Actuellement, Kumulus Water est répartie entre Paris et Tunis. L’équipe de 17 salariés travaille activement à gérer les commandes et à préparer d’autres solutions. Kumulus Water a levé 1 million de dollars de capitaux propres et non dilutifs auprès de business angels et d’investisseurs institutionnels. Après la participation remarquée à Viva Tech Paris et à l’accélérateur Paris Techstars, Iheb Triki souhaiterait à l’avenir se développer à plus large échelle géographique et préparer la prochaine levée de fonds en 2023.