«La ZLECAf est potentiellement un Game Changer alors que notre continent ne contribue qu’à 3% du commerce mondial et que les échanges intra pays africains ne dépasse pas 18% (40% en Asie, 50% en Amérique du Nord, plus de 50% en Europe). Nous commerçons avec le reste du monde alors que nos exportations sont dominées par les matières premières, sans valeur ajoutée, sans création significative d’emplois», regrette Cynthia E. Gnassingbe-Essonam lors du webinaire de la 3e AfricaDev Session organisé par le club Afrique Développement du Groupe Attijariwafa bank, le 19 juillet 2022, autour du thème «Exploiter les opportunités de la Zone de libre-échange continentale africaine».
Il est temps d’inverser cette tendance et c’est ce que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) a l’intention de faire; placer le continent sur le chemin de la production à haute valeur ajoutée: «C’est possible parce que nous connaissons tous le potentiel du marché africain fort de 1,3 milliard de consommateurs, un PNB de 3,4 trillions de dollars qui augmentera à 7 trillions de dollars à l’horizon 2035. Déjà, 53 pays ont déjà ratifié l’accord et 43 ont accepté d’implémenter les règles pour la réduction des barrières (biens commerciaux, services commerciaux, services financiers, télécoms, construction, distribution, piliers de soutien et facilitations, propriété intellectuelle, e-commerce, inclusivité…)».
Dans le domaine du commerce des biens, les Etats se sont accordés sur 87,7% des règles d’origine à plus de 5000 produits et les manuels des règles d’origine vont informer les communautés des affaires sur les tarifs préférentiels. Des secteurs prioritaires ont été identifiés: automobile, agriculture et agro-processing, transport et logistique.
«Les deux crises de la pandémie et la guerre en Ukraine ont certainement constitué un wake-up call pour les entreprises africaines. Nous n’étions même pas capables de produire les fournitures sanitaires les plus simples, sans parler des vaccins. Nous étions à la merci de l’Occident pour rester en vie! Le conflit entre l’Ukraine et la Russie nous a frappés de plein fouet parce que nous sommes des importateurs nets de produits alimentaires. Pour le business africain, ces deux événements ont mis le doigt sur la nécessité d’améliorer notre capacité de production et de monter en chaînes de valeur. Dans le secteur automobile, entre l’Afrique du Sud et le Maroc, nous produisons moins d’un million de véhicules par an alors que l’Inde, qui a la même population que l’Afrique, en produit 5 millions. Un gap de 4 millions de véhicules que nous voyons comme une opportunité pour l’Afrique. Spécialement dans ce secteur, le secrétariat de la ZLECAf a mobilisé, avec notre partenaire Afreximbank, un fonds de un milliard de dollars US et il est disponible pour les pays qui veulent développer cette chaîne de valeur automobile, sur la base des avantages comparatifs de nos pays», annonce Cynthia E. Gnassingbe-Essonam.
Selon elle, le secteur pharmaceutique est également important alors que nous avons importé pour 16 milliards de dollars de médicaments génériques en 2019. L’agriculture est aussi un domaine au grand potentiel qui a des liens avec l’automobile et la pharmacie. Nous exportons 6 milliards de dollars de café, qui va sur un marché mondial de plusieurs centaines de millions de dollars.
Il faut ‘capturer’ cette valeur. Ce ne sera pas facile, il faudra des investissements significatifs, des améliorations de connectivité, d’infrastructures, d’efficacité des corridors commerciaux, des facilitations…
«Nous comprenons que les choses vont prendre du temps. Comme notre secrétaire général l’a dit, l’industrialisation n’est pas une pilule que vous prenez le soir pour vous réveiller le lendemain complètement industrialisé! Nous l’avons même vu en Europe où le processus a pris des décennies pour arriver où ils en sont aujourd’hui», poursuit la Senior Advisor de la ZLECAf, qui détaille les lignes de financement dont elle dispose:
– Un Fonds de facilitation d’ajustement qui aide les pays qui souffrent de pertes de revenus, pour l’ouverture des frontières, la libéralisation du commerce et des services, pour restructurer les secteurs de production. Cette facilitation est constituée de trois fonds: un fonds de base pour les besoins techniques, un fonds général pour mobiliser les concessions, un fonds de crédits pour soutenir commercialement le public et le privé.
– Un mécanisme qui aide à l’intégration économique et qui a été développé par Afreximbank: le Panafrican Payment and Settlement System. Il permet les financements transfrontaliers en usant des monnaies locales pour éviter les innombrables passages hors Afrique qui profitent de ce flux dans les coûts de convertibilité qui coûte 5 milliards de dollars par an à l’Afrique!
– La mise en place d’une Facilité de financement du commerce avec l’argent qui existe déjà dans les banques commerciales africaines.
«Le secrétariat de la ZLECAf est engagé à impliquer le secteur privé et nous avons un Business Forum en septembre prochain où il est invité à participer aux réflexions sur les questions que nous venons d’évoquer dans ce webinaire du 3e AfricaDev, avec des projets, spécialement dans les chaînes de valeur», annonce-t-elle.