«Les dynamiques du marché montrent que les énergies renouvelables comptent 830 gigawatts sur l’éolien dans le monde, dont 40% en Asie, mais seulement 5% en Afrique. Sur le solaire, nous observons un dynamisme fort en Europe, en Asie, aux USA, alors que le secteur était marginal il y a 20 ans avec 1 gigawatt. Aujourd’hui, nous avons 1000 gigawatts et ce chiffre sera multiplié par 10 en dix ans», analyse Alexis Gazzo, associé Ernst & Young, chargé du Climate Change and Sustainability Service lors du 23e Forum annuel de l’Economiste Maghrébin, le 14 juin, sur le thème «La Tunisie face aux défis économiques des transitions écologique et énergétique», en partenariat avec la Délégation de l’Union européenne et la Fondation Friedrich Naumann pour la Liberté, à l’hôtel Laico
Invité à faire un topo sur les enjeux de la transition énergétique à la faveur du 23e Forum annuel de l’Economiste Maghrébin, Alexis Gazzo est dans son élément. Au sein d’EY, il aide les organisations à développer des stratégies et des projets d’énergie renouvelable et fournit des services de conseil sur les politiques environnementales. Aujourd’hui, il conseille plusieurs sociétés d’investissement, des gouvernements et des institutions financières internationales dans la définition de leur stratégie de durabilité et de faible émission de carbone.
Avec une telle réputation, tout le monde s’attendait à ce qu’il ne mette pas de gants pour critiquer l’attentisme tunisien en la matière!
Des énergies propres contribuant à l’indépendance énergétique et moins chères
Surprise! Gazzo a fait preuve d’indulgence, préférant s’étendre sur les enjeux et les possibilités qui sont encore ouvertes: «Les dynamiques du marché montrent que les énergies renouvelables comptent 830 gigawatts sur l’éolien dans le monde, dont 40% en Asie, mais seulement 5% en Afrique. Sur le solaire, nous observons un dynamisme fort en Europe, en Asie, aux USA, alors que le secteur était marginal il y a 20 ans avec 1 gigawatt. Aujourd’hui, nous avons 1000 gigawatts et ce chiffre sera multiplié par 10 en dix ans. Aucune énergie ne s’est jamais développée aussi rapidement».
Le propos est clair; on mesure l’effort qui reste à faire en Afrique, même s’il faut noter des réussites dans des projets diffus, de petite taille. Sur le continent, il prévoit que l’éolien sera doublé dans les 10 ans à venir et que le solaire sera multiplié par 3. Selon lui, c’est donc la moindre des choses que de s’investir dans ces énergies propres qui contribuent à l’indépendance énergétique, qui sont compétitives et moins chères: «Les coûts de production des énergies renouvelables seront divisés par 10 dans les années qui viennent. D’ailleurs, l’éolien offshore se dirige désormais vers le marché Spot sans subventions des gouvernements. Ce qui m’interpelle dans les énergies renouvelables, c’est leur diversification et leur complexification. L’éolien offshore flottant fait qu’il n’y a plus de contrainte de proximité du littoral et il connaîtra une croissance extraordinaire. Le stockage, frein des ER, car de caractère intermittent, est en voie de traitement. Les modèles sont en train de développer la flexibilité réseaux. L’achat direct d’énergie renouvelable par des sociétés qui voudraient réduire leur empreinte carbone. Tout cela fait que les modèles marchands des ER sont devenus compétitifs».
Le graal est le stockage compétitif
Gazzo insiste particulièrement sur les possibilités de l’hydrogène vert fabriqué de manière «décarbonée» via un processus d’électrolyse de l’eau. Le hic, c’est que de grandes quantités d’énergie renouvelable à faible coût sont nécessaires pour le produire efficacement. La Tunisie est impliquée dans cette démarche, notamment avec TuNur (développeur d’énergie renouvelable, de stockage et de transport) qui développe un projet pilote dans le sud de la Tunisie intégrant les énergies renouvelables.
«L’hydrogène vert produit par électrolyse est plus cher que l’hydrogène gris et ne représente que 4% du total hydrogène. C’est ce qu’il faut développer et cet hydrogène vert sera de moins en moins cher. La résolution du problème se fera avec l’effet d’échelle, comme on l’a vu pour le solaire dont on a réussi à baisser les prix. Voici les grandeurs: la France a déjà investi 100 millions d’euros et nous passons à 7 milliards d’euros! Tout cet argent public va porter ses fruits pour pousser la compétitivité de cette énergie verte, affiner le stockage, développer des vecteurs pour servir la mobilité lourde (bus, camions…) et dans l‘industrie (chimie, ciment…). Le graal est le stockage compétitif; nous n’y sommes pas encore, mais les courbes de baisse du coût sont déjà significatives», analyse Alexis Gazzo.
Selon lui, la Tunisie a l’ambition de porter sa production en énergies renouvelables à 4 gigawatts d’ici 2030, et elle doit donc anticiper sur les compétences: «Pour les opérateurs privés, nationaux, ce sont les compétences qui sont critiques. Les ER sont un vivier d’investissement et d’emploi très important. Nous avons mené une modélisation avec la BM et nous avons constaté qu’un programme de 900 mégawatts en Tunisie offrirait un gisement de plusieurs dizaines de milliers d’emplois, voire des centaines de milliers d’emplois à long terme».