Tunis a abrité la semaine dernière une nouvelle édition du congrès annuel de l’Association française du marketing. La capitale tunisienne devient ainsi la seule ville non européenne à accueillir cet événement à plus d’une reprise.
Le hasard du calendrier a fait que cette édition voit l’ascension de Amina Béji-Bécheur, une Tuniso-Française, à la tête de l’association pour un mandat de deux ans. Managers a rencontré Béji-Bécheur à l’occasion du congrès annuel de l’AFM et a réalisé l’interview suivante.
Félicitations pour cette nomination à la tête de l’AFM.
Merci beaucoup. À vrai dire, j’ai été nommée à ce poste lors du dernier congrès de l’association et, comme le dictent les traditions, j’ai occupé le poste de vice-présidente de l’AFM. Cela dit, je suis fière d’avoir assumé le poste de présidente de l’association à partir de mon pays natal.
Parlez-nous de votre expérience dans cette association.
Mon aventure avec l’AFM a démarré dès 1995 lorsque j’ai intégré l’association pour la première fois. Depuis, j’ai occupé plusieurs postes au sein de cet organisme. En 2003, j’ai organisé le premier congrès de l’AFM à se tenir à Tunis qui s’est avéré un grand succès. Ce rendez-vous était également le point de départ de l’Association tunisienne de marketing qui a permis de structurer les collègues chercheurs tunisiens.
Votre mandat arrive à point nommé, en pleine mutation sur plus d’un plan. Comment va évoluer la discipline durant ces deux prochaines années?
J’ai beaucoup travaillé sur l’innovation portée sur l’usager et je me suis intéressée aux transformations du marketing portées par les consommateurs. Cela couvre des mouvements comme le commerce équitable, les coopératives de consommateurs, les coopératives de production d’énergie renouvelable.
Le marketing est une construction sociale, i.e. il n’est pas fait uniquement par les praticiens du marketing dans l’entreprise, mais par tous ceux qui concourent à la construction du marché; donc un système d’échange dans lequel il va y avoir des rôles, i.e. un jour vous êtes producteur, un autre jour, consommateur, ou encore citoyen et donc critiquer les pratiques entreprises. Nous jouons des rôles très différents dans le marché. Et le marketing tâche d’étudier ce système d’échange.
Comment cela peut-il impacter les évolutions futures du marketing?
Nous avons évolué de la vision fonctionnelle du marketing, i.e. une fonction dans l’entreprise, à une vision de l’entreprise qui est plus large et qui permet de comprendre de manière plus macro tous les systèmes qui permettent la structuration du marché.
Les travaux qui portent sur ces questionnements ont commencé avec les études sur les services où on a déjà commencé à voir que dans ces derniers, le consommateur subit l’action de l’entreprise, mais il est, en même temps, acteur de ce service. Et avec l’automatisation, l’utilisateur devient un acteur à part entière. Par exemple, pour l’achat d’un ticket à partir d’une machine, le consommateur fait l’action qui, auparavant, était réalisée par l’entreprise. Cette vision du consommateur qui va aussi produire quelque chose a commencé avec le marketing du service.
Cela est particulièrement le cas pour l’expérientiel. Du moment où nous sommes au milieu d’une expérience quelconque, nous allons obligatoirement devenir des producteurs: nous allons en effet produire à travers nos émotions et nos réactions. Forcément, le producteur va interagir et cela va faire en sorte que les rôles de consommateur et de producteur peuvent se brouiller… ou bien être très structurés si le cadre de l’expérience est très précis.
Quel rôle joue l’AFM dans tout cela?
Notre rôle est de prendre en compte ces transformations et de faire valoriser la recherche des membres de l’association à travers nos deux revues, mais aussi à travers les congrès, etc. Nous avons aussi pour mission d’être en veille par rapport aux problématiques de transformation.
De notre côté, nous accompagnons ces transformations à travers les recherches que nous développons et diffusons pour former les futurs praticiens du marketing. Nous jouons aussi un rôle important dans le maillage de l’écosystème pour faire réunir les connaissances académiques et celles développées par les entreprises. Le but ultime est de transformer ces connaissances pour pouvoir les diffuser aux étudiants. Nous croyons avoir une responsabilité très forte vis-à-vis des générations futures pour pouvoir les accompagner afin de répondre aux enjeux actuels de société, notamment de transition énergétique et sociale.