L’usage des engrais a changé à jamais le sort de l’humanité: grâce à cette “technologie”, un nombre limité d’agriculteurs peut cultiver assez de nourriture pour soutenir sa communauté. Mais avec les crises successives que connaît aujourd’hui le monde, les engrais se font de plus en plus rares… et chers. L’impact de cette tendance peut être dévastateur, notamment pour les pays les moins riches.
La flambée des prix des engrais ― comme ceux fabriqués à partir d’azote, de phosphore et de potassium (NPK) ― fait, naturellement, grimper les prix des denrées alimentaires et, pire encore, menace la sécurité alimentaire dans le monde entier. Les prix du NPK ont augmenté de 125% en janvier par rapport à l’année précédente, et ont encore augmenté de 17% entre le début de l’année et mars, selon les données compilées par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI).
L’interdiction européenne imminente du gaz naturel russe (un composant essentiel dans la fabrication de certains engrais) pourrait aggraver la situation. Si les agriculteurs utilisent moins d’engrais, ils ne peuvent pas produire autant de récoltes – et cela soulève le spectre de “la malnutrition, des troubles politiques et, en fin de compte, la perte de vies humaines autrement évitable”, a rapporté Bloomberg.
Les prix de ces matières premières fortement échangées augmentaient déjà en 2021, en raison d’une myriade de facteurs: un ouragan Ida aux États-Unis, une augmentation de la demande après la pandémie, des problèmes de chaîne d’approvisionnement et la hausse des prix du gaz naturel qui a précédé la guerre en Ukraine.
Et la situation peut s’aggraver encore plus. La Chine, pays qui fournit 24% de l’offre mondiale des phosphates, 13% de l’azote et 2% de la potasse, a stoppé ses exportations d’engrais l’été dernier.
De son côté, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a perturbé le commerce dans la mer Noire, mettant elle aussi en péril l’approvisionnement des engrais. La Russie et son allié la Biélorussie produisent en effet une part considérable d’engrais. En 2020, la Russie a fourni 14% d’urée (un engrais azoté) et, avec la Biélorussie, 41% de potasse, un engrais potassique.
Les engrais sont un produit fortement échangé, ce qui signifie que la plupart des pays ― même ceux qui produisent beaucoup de nourriture ― importent leur approvisionnement de ce composant clé pour l’agriculture. Au fait, les trois quarts des pays du monde dépendent des engrais importés pour 50% ou plus de leur utilisation d’engrais, note l’IFPRI.
Et certains pays, dont la Mongolie, le Nicaragua et l’Équateur, qui sont à la merci des politiques russe et chinoise, ont vu la majorité de leur approvisionnement en engrais coupée.