Dans le dernier rapport de l’OCDE sur la Tunisie, publié lundi, les perspectives sont peu optimistes, pour ne pas dire négatives. La reprise économique post-Covid est jugée difficile, la reprise en main du budget sera délicate et la politique monétaire nécessite de travailler sur un équilibre déjà fragile.
Dans ce rapport, il est indiqué que la reprise sera lente, et les risques de révision à la baisse des prévisions sont considérables. Les restrictions à la mobilité freinent le redémarrage du tourisme et pèsent sur les services fortement intensifs en main-d’œuvre. Le niveau élevé du chômage bride la consommation privée, les incertitudes politiques pèsent sur la mise en œuvre des réformes et l’investissement, et l’affaiblissement de la demande extérieure éloigne le redressement de l’activité manufacturière. Par contre, la mise en service de nouveaux champs de pétrole et de gaz va stimuler dans le court terme la production d’énergie. Les tensions inflationnistes ont repris en 2021 et elles pourraient s’accentuer à cause de la flambée des prix des matières premières provoquée par la guerre en Ukraine. Il convient de minimiser le risque d’une spirale prix/salaires. La hausse des prix des matières premières pèse sur la balance courante et sur le déficit budgétaire, dans la mesure où la Tunisie est un importateur net d’hydrocarbures et de céréales, et que les subventions énergétiques y sont encore élevées.
Le rapport précise également que la marge de manœuvre budgétaire pour procéder aux investissements nécessaires dans les infrastructures est limitée par le déficit budgétaire et la dette publique, qui reflètent en partie l’ampleur et l’expansion de la masse salariale du secteur public. Le ratio déficit/PIB a reculé légèrement de 10.2 % en 2020 à 8.2 % en 2021. La capacité à protéger les plus vulnérables et à investir dans les infrastructures sociales et matérielles indispensables dépendra du rééquilibrage des dépenses budgétaires et de l’augmentation de l’efficacité des dépenses publiques. Parmi les priorités, il faudra notamment restreindre les effectifs et les niveaux de rémunération dans l’administration publique, remplacer progressivement les subventions énergétiques régressives et inefficaces par des dispositifs ciblés d’aide au revenu pour les pauvres, élargir l’assiette fiscale en réduisant les exonérations et les régimes spéciaux et améliorer le respect des obligations fiscales.
Le rapport informe au sujet de la politique monétaire, qui devrait veiller à un maintien de l’inflation à un niveau modéré. La Banque centrale a abaissé son taux directeur de 150 points de base en 2020 et injecté des liquidités sur le marché monétaire. Les autorités lui ont aussi demandé d’intervenir pour soutenir le financement du déficit. À l’avenir, il sera important de renforcer l’indépendance de la Banque centrale, d’éviter de recourir au financement monétaire du déficit budgétaire et de mettre en place les conditions pour l’adoption d’une cible d’inflation.
De plus, le rapport ajoute que la dette publique et la dette extérieure sont élevées, ce qui aggrave les vulnérabilités. Le niveau élevé de la dette publique en devises fait peser un risque sur la stabilité financière. L’écart de rendement est le signe d’une détérioration de la qualité de la signature du pays. Les perceptions des investisseurs demeurent fluctuantes et toute dégradation soudaine de leur confiance pourrait enclencher un cercle vicieux de dépréciation de la monnaie et d’inflation.
La pauvreté recommence à augmenter. Avant la crise due à la Covid-19, la pauvreté reculait et une importante classe moyenne émergeait. Certaines de ces avancées ont été effacées, sous l’effet des pertes d’emploi et de la dégradation des conditions de vie. Les politiques sociales ont permis de contenir les dommages et il conviendrait de les renforcer encore et d’en améliorer le ciblage, notamment à l’aide d’outils numériques et de la mise en relation de sources de données administratives.
Des gains substantiels peuvent être attendus des réformes structurelles. Des simulations basées sur des modèles montrent que dans un scénario de réformes – incluant la réduction des obstacles réglementaires, l’amélioration de la qualité des institutions et la réduction de la corruption, l’amélioration des résultats en matière d’éducation et la baisse de la charge fiscale sur le travail –, le revenu par habitant serait 15% plus élevé d’ici 15 ans que dans un scénario sans réforme. Un plan de réformes structurelles devra être adopté rapidement et accompagné de mécanismes de suivi de la mise en œuvre.