L’impact de l’intervention musclée de la Russie en Ukraine sur l’économie mondiale ― et celle de la Tunisie ― n’est plus à démontrer. La hausse des prix d’une longue liste de matériaux et de produits risque d’entacher considérablement la reprise post-pandémique.
Une nouvelle étude publiée aujourd’hui par la Cnuced a permis de jeter la lumière sous un angle différent sur le rôle important que jouent les deux parties du conflit dans l’approvisionnement d’un grand nombre de pays en produits alimentaires de base.
Les auteurs de l’étude ont signalé que certains pays sont particulièrement dépendants des matières premières agroalimentaires en provenance de la Russie et de l’Ukraine. Ces deux pays sont, à titre d’exemple, les fournisseurs de 25.9% des matières premières alimentaires de la Turquie, de 23% de la Chine et de 13% de l’Inde.
Malheureusement, les pays à faible revenu sont les plus exposés. D’après les calculs de la Cnuced, en moyenne, plus de 5% du panier d’importation des pays les plus pauvres sont des produits susceptibles de faire face à une hausse des prix résultant de la guerre en cours en Ukraine. Ce taux est inférieur à 1% pour les pays plus riches.
Et la Tunisie? La situation est plutôt mitigée.
Le pays importe seulement 3.3% de ses besoins en blé, orge, maïs, graines de colza et huile et graines de tournesol de ces deux fournisseurs. La situation est cependant inquiétante quand on prend en considération nos sources de blé, un composant clé du régime alimentaire tunisien.
D’après les données publiées par la Cnuced, 55% du blé importé par la Tunisie est originaire de ces deux pays, l’Ukraine délivrant 46% de nos achats de cette céréale.
Outre la Tunisie, le continent africain est particulièrement vulnérable à d’éventuelles perturbations dans les marchés de céréales. Entre 2018 et 2020, l’Afrique a importé 3.7 milliards de dollars de blé (32% des importations totales de blé africain) de la Fédération de Russie et 1.4 milliard de dollars supplémentaires d’Ukraine (12 % des importations totales de blé africain).
Pas moins de 25 pays africains, dont de nombreux pays parmi les moins avancés, importent plus d’un tiers de leur blé des deux pays, et 15 d’entre eux en importent plus de la moitié.
En outre, les possibilités de remplacer les importations en provenance de la Russie et de l’Ukraine par le commerce intra-africain sont limitées, car l’offre régionale de blé est relativement faible et de nombreuses régions du continent manquent d’infrastructures de transport et de capacités de stockage efficaces.
Dans ce contexte, et compte tenu des chocs spécifiques aux pays, du changement climatique, des restrictions à l’exportation et de la constitution de stocks, il pourrait y avoir un risque de crises d’insécurité alimentaire dans certaines régions, en particulier si l’augmentation des coûts des engrais et d’autres intrants à forte intensité énergétique a un impact négatif sur la prochaine saison agricole.
Une nouvelle hausse des coûts des intrants est un facteur de risque important en Afrique, car les coûts de l’urée et du phosphate ― deux composants majeurs des engrais ― avaient déjà augmenté de 30 et 4%, respectivement, à la fin de 2021.