Si le New Deal managérial soulève les plus grands espoirs pour des entreprises qui sortent tout juste de deux grosses années critiques, celui-ci n’est pas possible sans l’installation à demeure d’une confiance continue entre tous les protagonistes. Et c’est sur ce nécessaire management par la confiance que réfléchissent Imed Yaakoub, directeur RH Sumitomo Sews; Arnaud Collery, CEO et cofondateur Humanava; avec Zeyneb Attya, présidente RH Expo, dans cet atelier à l’abord délicat, tenu le second jour de la 15e édition de la Human Resources Expo des 1er et 2 mars 2022, à la Cité de la Culture sous l’égide du ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi.
D’un côté, le New Deal managérial; de l’autre, le management par la confiance. Ils sont indissociables, comme les deux faces d’une même pièce de monnaie. C’est ainsi que Zeyneb Attya, présidente de la HR Expo, les a liés dans cet atelier qui ressemble à une libre improvisation sur le thème de l’avenir. Elle dit savoir que la confiance est l’une des choses les plus difficiles à gagner (et à garder): « Il s’agit ici d’un recentrage sur l’humain. La bataille des DRH lors de la pandémie les a anoblis, mais est-ce fini? Va-t-on retourner à l’ancien monde ou poursuivre sur ce même chemin pour essayer de voir les choses autrement? Comment manager les collaborateurs en misant sur la confiance? », interroge-t-elle les deux patrons qui l’accompagnent; Imed Yaakoub, directeur RH Sumitomo Sews; et Arnaud Collery, CEO et cofondateur de Humanava.
Le coach est un acupuncteur!
« Comment gérer la confiance? C’est ma première fois en Tunisie et je n’oublierai pas ma rencontre avec Mohamed Laroussi, le préparateur mental de l’Espérance Sportive de Tunis, qui m’a longuement parlé de cette confiance qui est la colonne vertébrale de son équipe. Tous les managers devraient devenir des coaches et rompus à l’exercice difficile du storytelling », atteste Arnaud Collery.
Selon lui, il faut encourager cet exercice en entreprise par petites équipes, là où le concept principal de la confiance est la Psychological Safety: « De temps en temps, le manager devrait retirer son masque avec ses employés. C’est le premier outil. Le second, c’est la gratitude en termes de confiance. Les plus forts en RH sont dans le nord de l’Europe.
Pourquoi? Il y a une espèce d’ADN de confiance en l’autre avant soi, ce qui rend – en retour – la confiance en soi possible! Ce ne sont pas tous les managers qui ont le temps de le faire, et ils n’ont alors qu’à prendre un coach qui fait de l’écoute active; et, au besoin, l’aiguillage. Le coach est un acupuncteur, il voit le point juste où il faut faire attention ».
Zeyneb Attya continue dans la même logique: « Il fallait que la crise perdure pendant deux années pour que nous fassions enfin du travail sur notre Soi collectif. Nous pourrions nous appuyer sur le storytelling et la gratitude qui va droit au cœur; ce sont là les nouveaux outils et les nouvelles solutions du New Deal managérial ».
Imed Yaakoub prend un air entendu, mais retrace d’abord un court historique de sa société mère multisectorielle et multinationale. Nous comprenons où il veut en venir quand il parle de son fondateur qui croyait depuis toujours aux bienfaits de la confiance: « La confiance s’accumule au goutte-à-goutte; elle est liée à la qualité du dialogue, de la communication et de l’organisation du travail. Pour l’installer dans le temps, en interaction avec les collaborateurs, nous avons besoin d’une base solide. Il faut aussi convaincre les managers pour passer aux objectifs qualitatifs. La confiance est ainsi un mécanisme humain qui sert à atteindre les objectifs de l’entreprise ».
Paycheck contre émotions et confiance!
Imed Yaakoub nous parle d’un nouveau style de management qui a émergé avec le télétravail; avec un passage du control & command à un autre style basé sur le management par la confiance. « La qualité, plus que la quantité, ressort du télétravail et la technologie a aidé à asseoir ce concept. L’impact de la confiance est réel sur nos résultats qui ont été en augmentation de 30% en termes d’efficacité de l’équipe. De plus, nous avons apprécié que le télétravail se traduise en moins de déplacement et donc moins de pollution; c’est important pour la culture japonaise de notre groupe », commente-t-il.
Zeyneb Attya ne rate pas l’occasion pour ramener le débat au niveau local: « En Tunisie, nous avons cette forme de solidarité qui est une autre expression de la confiance; une certaine philosophie de vie que l’on transmet aux autres ».
Le débat a été surprenant, puisque le ton est maintes fois monté alors que l’on évoquait la réalité tunisienne, le management qui devrait favoriser la transparence alors que les entreprises familiales font de la culture paternaliste, le passage du fonctionnement directif au management par la confiance, l’abandon du travail à distance et les disparités entre les ressortissants de différentes régions, l’adaptation des ressources humaines et les facilités mises à la disposition des employés (crèche pour les enfants, par exemple), le problème du turnover et de la différence des salaires…
La rémunération a ainsi suscité un sous-débat très animé dans le sens où la confiance qui se fait sur un socle se trouve face à des collaborateurs qui sont des êtres humains et les questions de salaire et de paycheck prennent le pas sur les émotions et la confiance!