Sans surprise, notre invité du mois, un quinquagénaire couronné de longue date. Et ce n’est pas sans raison qu’il inaugure la une de Managers à l’aube de 2022 que nous voudrions porteuse de tous les espoirs. Khélil Chaibi, car c’est de lui qu’il s’agit, est une tête bien pleine et bien faite. Ingénieur polytechnicien par vocation, et titulaire d’un MBA de la légendaire université américaine UCLA. Avec à la clé une connaissance parfaite des méandres et de la complexité de la finance, des subtilités et de l’art du marketing. Les deux principaux vecteurs de la mondialisation triomphante des années 90.
Il était prêt, à tout point de vue, pour descendre dans l’arène professionnelle et y tenir son rôle. Il maîtrisait toutes les langues vivantes de l’époque et celles à venir : l’anglais, la finance, le marketing, l’IT. A quoi s’ajoutent l’humilité, la détermination et la sagesse qu’il tient du père. Il disposait des principaux arguments d’un management moderne, éclairé et terriblement efficace, en raison notamment de son inclination humaine, véritable empreinte du groupe. La voie est toute tracée, et aucune erreur d’appréciation ni aucun écart ne sont tolérés. Au sein du groupe familial, l’exigence professionnelle, le devoir d’exemplarité sont de rigueur. Khélil Chaibi aux commandes du pôle mécanique, à l’issue d’un parcours initiatique parvenu à son terme et d’une mise à l’épreuve des plus abouties. Cela coule de source. Taoufik Chaibi a reconfiguré le groupe qu’il préside.
Il a entériné les choix faits de longue date. Khélil se voit confier le pôle dont il fut l’un des principaux animateurs. Une transmission soft sur fond de restructuration du groupe, un modèle du genre et un vrai cas d’école en matière de transmission voulue, pensée et réfléchie. Mission difficile s’il en est tant l’aura du père fait l’unanimité et est présente dans les esprits. Difficile aussi parce qu’il faut porter encore plus haut la filière industrie, composante essentielle du groupe qui occupe les premiers rangs dans la grande distribution et l’hôtellerie la plus étoilée. Khélil Chaibi sait qu’il doit s’inscrire dans le cours de l’histoire des grands groupes familiaux. La 1ère génération, celle du père fondateur, est de la race des pionniers et des bâtisseurs. Taoufik Chaibi en fut et reste l’un des plus illustres représentants. La seconde génération, élevée au nom de ces mêmes principes, s’emploie à creuser les sillons, à développer encore et toujours.
Khélil Chaibi avait pour mission d’élargir le spectre et le périmètre des activités mécaniques qui sont les siennes à d’autres lignes de développement en raison de leur proximité, des effets de synergies et de leur apport à la valeur ajoutée globale de pôle d’activités mécaniques. Khélil Chaibi est dans son rôle de stratège et de visionnaire, à l’instar du père. Il pense global en laissant au DG de chacune de ses entreprises le soin de mener la barque à pleine voilure, droit vers le cap qui lui est prescrit. Officiellement président de conseil, il est à la tête d’un collège de DG, aux titres étincelants. Il avance, anticipe et avise. Sans improvisation ni précaution excessive. Il ne s’aventure jamais, aux dires de ses collaborateurs, en terrain inconnu.
Et jamais sans l’assurance de transformer au final l’essai. Ils le décrivent d’une grande sagesse. Jamais de propos déplacés, excessifs ou blessants.
Pourtant, l’homme est fait d’un seul bloc. D’apparence juvénile, il a le caractère trempé, un franc-parler à toute épreuve, l’esprit libre. On salue partout sa droiture et sa rectitude morale, intellectuelle et professionnelle. Dans son rôle de stratège, il est à la fois au sommet de la pyramide du pôle sans jamais s’éloigner des préoccupations et des motivations de la base. D’un mot, humain comme on pouvait l’être en milieu sportif quand il faisait partie du comité directeur du Club Africain et du staff de la Fédération tunisienne de football. Le foot, ce sport si populaire, est une école d’amitié, d’enchantement et d’humanité. Sa fibre sociale porte l’empreinte et l’ADN du groupe familial sur lequel trône la stature du commandeur Taoufik Chaibi. La crise sanitaire ne l’a pas épargné, elle ne l’a pas, en revanche, désarmé. Touché, mais pas coulé.
Bien au contraire, il y a trouvé motif d’accélérer sa capacité d’adaptation et de mettre l’innovation au cœur de ses activités. La crise, c’est à la fois une menace dont il a pu tempérer les effets en raison de la solidité financière des entreprises, mais aussi une opportunité qu’il a su exploiter en faisant le choix digital et des entreprises 4.0; bref, en mettant de nouveau le cap sur les foyers de croissance de demain. Dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée, Khélil Chaibi a bien des motifs de satisfaction. Des entreprises en pleine croissance, une technostructure humaine de tout premier plan, gage de réussite et d’un développement
durable.
De quoi ajouter à la sérénité du couple familial. Marié et père de deux enfants. Hédi, 24 ans, bachelor management UCL, master finance LSE et master computer science à Imperial College, il est en poste actuellement comme analyste quantitatif chez Bank of America à Londres. Sa sœur Héla, sa cadette de deux ans, bachelor en psychologie UCL et actuellement en master marketing au prestigieux Imperial College londonien. Excusez du peu. Il n’y a pas de doute : la 3e génération fera aussi bien que la deuxième. Si Taoufik, le grand-père, n’espérait pas moins.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours académique et professionnel ?
J’ai entamé ma scolarité au lycée Khaznadar à Tunis et à l’âge de quinze ans, je suis parti en France où j’ai été en première et terminale au lycée Louis-Le-Grand. J’ai intégré par la suite l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne et je me suis spécialisé en ingénierie mécanique. Mon parcours professionnel a débuté avec un stage au sein de la banque ATB à Tunis, pour une durée de six mois, où j’ai été encadré par Monsieur Samir Saïed, actuel ministre de l’Economie et de la Planification, lui-même de formation scientifique. J’ai aussi effectué un stage à Bristol en Angleterre au sein d’Unilever, avant de partir pour Los Angeles, pour un MBA à UCLA Anderson School of Management avec une double spécialisation en finance et en marketing. Je suis rentré en Tunisie en 1992 pour intégrer le groupe familial et je me suis intéressé de près à l’activité mécanique, avec un intérêt particulier pour le volet commercial. A dire vrai, j’y voyais des opportunités de développement qui sont de nature à renforcer le volet industriel.
Mais votre groupe était-il déjà dans une logique industrielle ?
Historiquement, l’activité industrielle était au cœur de nos axes stratégiques. Mais, à partir de la fin des années 90 et début des années 2000, le développement de l’activité commerciale a été le résultat d’un contexte général d’ouverture (accord GATT-OMC et accord d’association avec l’Union européenne) et que le souci de diversification de nos activités nous a conduits au secteur commercial qui, par ailleurs, nous permettait d’exporter. Ainsi, notre groupe est assez diversifié dans l’industrie d’emballage, la mécanique, le tourisme, la grande distribution et les services.
C’est parti pour un nouveau parcours. Quelles sont les étapes phares par lesquelles vous êtes passé ?
Comme expliqué, je me chargeais de la branche mécanique du groupe. On avait, à l’époque, deux sociétés spécialisées dans le domaine : l’une pour la distribution du matériel roulant, du BTP et agricole et l’autre pour la distribution des pièces de rechange automobiles.
Qu’en est-il de l’organisation du groupe ?
Mon père, Taoufik Chaibi, est le fondateur et président d’honneur du groupe. Mon frère Nabil est le président du Conseil de surveillance qui chapeaute tous les pôles d’activité, à savoir la distribution, les cosmétiques, l’électromécanique, l’emballage, le tourisme et les services.
Et comment gérez-vous ces différents pôles d’activité ?
Chaque pôle d’activité est géré d’une manière autonome. Le Conseil de surveillance se réunit périodiquement pour diriger les affaires du groupe et définir les différents axes de développement. La collégialité est une constante pour les décisions stratégiques.
Pouvez-vous nous parler du pôle mécanique que vous présidez ?
Pour ce qui est des prérogatives qui sont de ma responsabilité, je suis président du conseil de cinq entreprises opérant dans le secteur mécanique. Ces entreprises sont gérées d’une façon autonome et indépendante par cinq directeurs généraux. Dans la gestion des affaires du pôle, je suis appuyé par un comité consultatif qui est composé d’un contrôleur de gestion, d’un responsable développement, transformation digitale et innovation, et d’une directrice des ressources humaines.
Et si on parlait des activités de ces cinq entreprises, elles sont normalement spécialisées dans la concession et la distribution des pièces de rechange, pouvez-vous nous parler du marché de la concession automobile ?
Après une première expérience avec Nissan durant les années 90, nous nous sommes intéressés à nouveau au secteur automobile, avec le rachat en 2017 de la concession Suzuki. Aujourd’hui, nous sommes en passe de nous développer considérablement sur ce segment, ce qui nous a valu la cinquième position sur le marché des voitures particulières. Suzuki est une marque japonaise de voitures de petites cylindrées ayant un positionnement prix intéressant. Nous observons ces dernières années un changement au niveau des tendances générales du secteur automobile où la présence des voitures asiatiques devient plus importante. Ceci s’explique par une première libéralisation du marché et l’introduction des voitures chinoises. Aujourd’hui, avec Suzuki, nous enregistrons une belle croissance de nos parts de marché et une place parmi les cinq premières marques pour les voitures particulières.
Est-ce que votre groupe vise le marché des voitures électriques ?
Oui, nous visons ce marché, mais il est encore tôt pour se pencher sur ce projet, car ce type de voitures nécessite une infrastructure appropriée qui répond à des exigences et des services connexes de qualité, ce qui n’est pas encore le cas en Tunisie. La priorité sera en revanche, et en premier lieu, aux voitures hybrides. Notre développement sur ce volet dépendra, par la suite, des stratégies commerciales de notre partenaire. Actuellement, nous travaillons davantage sur le développement de notre réseau pour être plus proche de notre client. Nous avons cinq points de vente et nous visons à couvrir toutes les régions à travers la concrétisation de partenariats avec des parties qui s’intéressent à notre gamme.
Et en ce qui concerne la digitalisation, est-ce que vous avez une stratégie pour le développement des ventes en ligne ?
Pour le moment, nous estimons être encore loin de cette phase. Il y aura un important travail à faire sur le développement de l’infrastructure commerciale et de la digitalisation afin d’identifier les différents besoins des clients et leurs attentes. Aussi, la culture des Tunisiens sur ce marché n’est pas familière avec le concept de e-commerce car la voiture reste finalement un bien tangible et son acquisition requiert l’examen préalable par le client et le suivi d’un ensemble de procédures techniques et administratives. On espère un jour arriver à développer ces canaux de vente et à optimiser le processus d’achat via les techniques de vente en ligne. Cependant, la digitalisation au niveau des entreprises nécessite, pour être efficace, un environnement et en particulier la digitalisation de l’Administration. Je pense que d’ici quelques années le rôle du concessionnaire se limitera à la logistique et au service.
Que pensez-vous de la taxe sur les voitures instaurée par la loi de finances pour l’année 2022 ? Est-ce que cela va impacter les ventes ?
Je ne pense pas que cette taxe sur la vignette va avoir un impact significatif sur les ventes car la demande reste très importante et ce montant est proportionnellement faible par rapport au prix du véhicule.
Concernant l’activité de la vente des pièces de rechange, comment évolue-t-elle ? Est-ce que la crise épidémique a impacté sa performance ?
La question est indirectement liée à la Covid-19. Partant de nos expériences ainsi que de celles des grands groupes à l’échelle internationale, c’est plutôt le pouvoir d’achat qui impacte directement la performance du marché. Le fait est qu’avec la baisse du pouvoir d’achat et la commercialisation de pièces de rechange adaptables à des prix bas, les gens ne s’intéressent plus autant à la qualité et à la sécurité. Et ils délaissent donc les pièces de rechange d’origine qui obéissent à des standards de qualité visant à protéger la voiture et à assurer un niveau élevé de sécurité. Les gens ne sont pas suffisamment conscients par rapport à la qualité des pièces de rechange. Le seul critère pour la plupart d’entre eux reste le prix. Aujourd’hui, nous sommes les leaders du marché et notre principale mission est d’offrir les pièces d’origine à des prix compétitifs.
Que pensez-vous des perspectives de développement des marques étrangères ? Est-ce que la Tunisie représente réellement un site compétitif pour ces marques ? La concurrence inter-maghrébine n’est-elle pas une menace ?
Le marché tunisien est de petite taille, il représente la moitié du marché marocain et le quart du marché algérien. Néanmoins, il reste toujours un site attractif aussi bien pour la concession automobile que pour les pièces de rechange. Nous avons des partenaires qui réalisent des ventes beaucoup plus importantes en Europe, mais qui restent toujours intéressés par le marché tunisien où ils nous offrent des prix compétitifs pour maintenir leurs parts de marché. Malgré l’importance du potentiel des autres pays maghrébins, la Tunisie reste, à mon avis, concurrentielle grâce notamment à son positionnement géographique.
Vous avez dit tout à l’heure que votre pôle d’activité est doté d’un responsable de développement, de digitalisation et innovation, pouvez-vous nous parler des projets sur lesquels vous avez travaillé ou que vous comptez mettre en place ?
Nous essayons d’avancer sur cette piste en élargissant notre champ d’activité à d’autres filières, à part la mécanique, comme l’IT et la communication. Nous avons focalisé sur l’innovation dans nos stratégies commerciales à travers la transformation digitale. En pleine crise Covid, nous avons essayé de développer nos ventes en ligne à travers le B2B et la présence sur les réseaux sociaux et les sites de e-commerce comme Jumia. Ces canaux nous ont permis d’augmenter la visibilité de nos produits et de booster nos ventes. Nous avons également développé notre site web et notre identité visuelle.
Et quels sont vos projets futurs ?
Les activités de notre groupe sont diversifiées. Dans notre pôle, nous concentrons nos efforts sur les camions, les engins, les pièces de rechange, les lubrifiants, le matériel BTP, etc. Le seul secteur que nous n’avons pas pu intégrer est celui des pneumatiques en raison de sa désorganisation et de la faiblesse de sa réglementation. En revanche, nous essayons de développer nos activités en dehors du territoire tunisien à travers la mise en place de partenariats, notamment en Algérie, sur des segments spécialisés, particulièrement la distribution des pièces de rechange. Nous avons conclu un accord avec un partenaire algérien pour l’exportation de services en matière de vente de pièces de rechange à travers l’intervention sur des missions d’assistance technique et d’échange d’informations. C’est en quelque sorte la démarche que nous avons adoptée lors de l’introduction de la marque Carrefour en Algérie.
Serait-ce là un projet pilote qui va être dupliqué par la suite en Afrique ?
A propos de l’Afrique subsaharienne, j’ai visité un certain nombre de pays africains afin d’examiner la situation des marchés et les perspectives de développement de nos activités. Le potentiel est certes très important et la concurrence rude, surtout dans des pays cibles comme le Ghana et la Côte d’Ivoire qui affichent des taux de croissance supérieurs à 10%. De ce fait, la pénétration de tels marchés nécessite la mise en place de partenariats et d’accords de synergie avec d’autres groupes afin de bien se positionner et de pouvoir développer de réelles perspectives commerciales. C’est ce que nous sommes en train de faire actuellement. Nous étudions également les possibilités de collaboration avec des groupes libyens pour investir dans le secteur de l’automobile. J’ai toujours pensé que la Libye est notre profondeur stratégique et une extension du marché tunisien.
Quelle est votre lecture de la loi de finances 2022 ?
J’estime que la loi de finances pour l’année 2022 a déjà été largement critiquée et il est difficile, d’une manière générale, qu’une loi de finances fasse l’unanimité auprès de l’ensemble des acteurs économiques et partenaires sociaux. Je préfère rester indulgent à ce niveau surtout que l’équipe qui l’a préparée a dû travailler dans l’urgence. Certaines mesures inscrites dans cette loi sont de nature à alourdir davantage les charges sur la trésorerie des entreprises, notamment la suppression du régime suspensif de TVA sur les entreprises exportatrices dans le secteur des services. Nous sommes tous conscients de cette phase critique par laquelle passent les finances publiques, mais l’économie en général et le secteur privé en particulier souffrent également de cette crise aigüe. Plus de 90% des entreprises en Tunisie sont des petites, voire de très petites, entreprises, donc avec une assise financière et une capacité de résilience limitées. Et ma crainte est que, pour le secteur exportateur, qui est tout de même considéré comme l’un des poumons de l’économie, ces entreprises ne puissent résister à une telle mesure. Autre mesure contestable et contestée, celle relative à l’augmentation des droits de douane sur certains biens importés. Cette mesure, qui vise a priori à renflouer les caisses de l’Etat à travers l’augmentation des recettes fiscales et à limiter les importations, risque de produire l’effet inverse et d’encourager le marché parallèle, déjà très étendu. La LF contient tout de même des mesures d’appui aux PME sous forme de ligne de crédit pour absorber les effets de la pandémie ; mais globalement, je pense que les mesures qui ont été prises pour encourager l’investissement, la création de la richesse et endiguer le secteur informel qui accapare presque 50% du tissu économique, demeurent insuffisantes dans un moment où on a vraiment besoin d’un plan de relance audacieux.
Nous savons que vous avez une certaine aversion à l’égard de l’endettement, comment l’État peut-il faire face aux problèmes des finances publiques ?
Tous les spécialistes s’accordent à dire que l’endettement pose un problème lorsqu’il n’est pas destiné à financer des investissements publics générateurs de richesse. D’ailleurs, même sur le plan microéconomique, l’endettement excessif est un souci majeur. C’est le cas par exemple du secteur touristique qui est surendetté à cause des différentes crises sécuritaires et sanitaires qui se sont succédé depuis 2011. Aujourd’hui, la Tunisie est non seulement surendettée mais cette dette, majoritairement libellée en devises, sert essentiellement à couvrir les salaires de la fonction publique et les dépenses de compensation, ce qui est très préoccupant. Le recours massif de l’État au secteur bancaire pour financer son déficit budgétaire constitue une menace pour le financement de l’activité économique et la création de richesse, puisqu’il se traduit par un assèchement des liquidités sur le marché et donc un effet d’éviction sur les investissements privés, qui hypothèque la relance économique.
Vous avez dit que là où il y a une crise, il y a une opportunité d’apprentissage, quels enseignements avez-vous tirés personnellement de la crise de la Covid ?
Effectivement, c’est pendant les périodes de crise que les opportunités d’apprentissage et d’évolution se présentent et nous devrions bien les saisir. Ne dit-on pas que « la crise est toujours un appel à l’action ». Nous avons tenté, pendant cette crise sanitaire, de nous remettre en question, de revoir nos politiques commerciales et de concevoir les meilleurs moyens à même de nous mettre au diapason des standards internationaux admis en la matière.
Concernant la Chambre de commerce tuniso-française dont vous êtes membre actif, pouvez-vous nous parler du rôle qu’elle joue aujourd’hui ainsi que de ses perspectives d’évolution ?
La chambre de commerce est présidée aujourd’hui par M. Fouad Lakhoua qui, après avoir donné une grande impulsion à cette chambre, a décidé de ne pas postuler pour un nouveau mandat. Nous aurons une assemblée générale élective début mars et avec un groupe d’adhérents amis, nous nous proposons de présenter nos candidatures pour le prochain bureau. Nous sommes convenus de définir une nouvelle stratégie et un plan de relance pour les activités de la chambre. Nous estimons que le rôle de la chambre de commerce devrait se renforcer afin de développer les relations d’affaires entre les deux bords de la Méditerranée et de créer des partenariats et des synergies afin de faciliter les investissements étrangers en Tunisie et de sécuriser les investisseurs qui sont venus s’installer ici depuis des années. Les chambres de commerce devront œuvrer à consolider la confiance des opérateurs étrangers dans le site tunisien et contribuer à créer un espace de communication et de dialogue réels et interactifs.
Vous êtes assez proche du milieu footballistique et spécialement du Club Africain, que pensez-vous de l’introduction en Bourse de clubs sportifs ?
Si vous parlez de l’Espérance, il ne s’agit pas, à mon avis, d’une introduction en Bourse du club mais plutôt de certaines activités commerciales liées à celui-ci. La réussite de ce modèle dépendra indubitablement de l’avènement de textes réglementaires encourageant réellement l’investissement sportif. Cependant, je reste persuadé que le modèle économique de tous les clubs tunisiens ne tient pas la route. Tous ces clubs restent structurellement déficitaires et ne s’en sortent parfois que grâce aux dons et subventions du président du club. Certaines lois sportives, comme le contrôle de gestion des clubs, existent et si elles étaient appliquées, la majorité des clubs sportifs disparaîtraient. Il est grand temps de revenir aux centres de formation au niveau des clubs et de la fédération (Borj Cédria). Ce sont de véritables mines d’or. C’est de cette manière qu’on peut éviter les recrutements onéreux et inutiles, avoir des joueurs avec une bonne valeur marchande et compétitifs à l’échelle internationale. Il est temps aussi que le législateur promulgue des lois qui lutteront contre la mauvaise gestion des clubs et qui veilleront à éradiquer la corruption en matière de sport. Gérer le sport et la gouvernance sportive avec un texte qui remonte à 1994 constitue une lacune structurelle que les pouvoirs publics devront impérativement combler pour parer aux multiples déficiences du système actuel.
Le mot de la fin
L’année 2022 sera, tout le monde en convient, une année très compliquée, mais je souhaite qu’elle marque d’une part la fin de tous les problèmes sanitaires et, d’autre part, le début des transformations structurelles qui conduiront à une Tunisie meilleure. Nous devons garder espoir. Je reste convaincu que la Tunisie s’en sortira.