L’atelier Podcast apprenant a été surprenant alors que les points de vue diffèrent radicalement d’un expert à un autre. Dès lors, les nouvelles opportunités de formation (certains disent micro-formation) doivent pouvoir s’emboîter parfaitement dans l’entreprise; de quoi offrir un débat très actuel animé par Sahar Mechri, Executive Officer de Managers, et décrypté par Zied Rouissi, DG du CNFCPP;
Dorsaf Bejaoui Kammoun, DRH Sofrecom; Dorra Ben Ayed, ingénieur-conseil en formation CNFCPP. Un échange qui s’est illustré lors de la Human Resources Expo des 1er et 2 mars 2022 à la Cité de la Culture Chedli-Klibi sur le thème « Le New Deal en entreprise: solutions managériales et RH », sous l’égide du ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi.
Cet atelier est une invitation à emprunter de nouvelles pistes de réflexion à propos de la pertinence d’user des bons vieux podcasts (fichiers audio à la demande) qui deviennent, pour l’occasion, « apprenants », c’est-à-dire vecteurs de formation.
C’est la modératrice de l’atelier, Sahar Mechri qui brosse la Road Map en évoquant la mesure de la performance à l’aune de la capacité d’inventer, d’être agile, capable de stimuler l’esprit d’initiative des employés: « Il est impératif que l’entreprise se dote d’un système d’apprentissage et qu’elle le transmette en action. Libérateur de potentiel, face au pouvoir de l’image, la voix prend de plus en plus d’espace et nous invite à nous intéresser aux nouvelles opportunités de formation; ce nouvel Eldorado de l’audio digital: le podcast ».
Kafa’aat, label d’un système de formation qualitatif
Elle met ainsi tout le monde face au choix de la stratégie d’apprentissage en entreprise, et c’est Dorsaf Bejaoui Kammoun, DRH Sofrecom, qui prend le témoin: « Le monde a changé, et perturber l’environnement externe implique perturber l’environnement interne. Avec l’émergence du digital, les entreprises vont beaucoup plus loin; des soft skills, des formations techniques, management, marketing, IT… Les réseaux sociaux ont investi dans ces plateformes (LinkedIn, Google, Amazon…) pour se projeter dans ce créneau».
Mais, selon elle, il faut tenir compte du fait que certains employés prennent les devants et rejoignent des cursus sur le digital sous la bannière du micro-learning où on fait ce que l’on veut, là où on veut, quand on veut. Elle souligne que l’IA va plus loin en offrant des parcours sur mesure.
Sahar Mechri interroge alors sur la manière de s’assurer si la compétence ainsi acquise est conforme aux objectifs de l’entreprise. Dorsaf Béjaoui Kammoun rétorque que les deux voies solo/collaboratif peuvent aller ensemble. Mais alors, comment évaluer les compétences en entreprise et identifier les besoins?
C’est Dorra Ben Ayed, ingénieur-conseil en formation CNFCCP, qui porte le sujet vers sa dimension de fond: « Avec l’Innorpi, nous avons mis en place la norme Kafa’aat, un label pour garantir un système de formation qualitatif. Il s’agit d’ingénierie de la formation qui identifie les besoins, élabore le plan formation et l’évalue ». Elle évoque 4 canaux: faire ressortir les besoins à partir de la stratégie de l’entreprise (l’écart de compétence ressort des besoins en formation et aussi des besoins en organisation), identifier les process les plus sensibles (temps, budget, hommes/jours), défalquer en savoir-faire et savoir-être, exprimer les besoins (c’est le plus facile).
1000 millions de capsules audio de 3 mn
Pour aller plus loin, la modératrice propose un jeu de position où le DRH qui est face à ces missions doit affronter des challenges de rigueur. Dorra Ben Ayed nous apprend qu’un exercice est en préparation en partant d’un référentiel (une matrice de compétences) qui définit le profil-cible: « C’est une dimension stratégique que de définir ce référentiel car nous réalisons un Assessment puis un Mapping de l’écart avant de le traduire en action».
Pour recentrer le débat vers le plus concret, Sahar Mechri cite l’exemple de la France où 195 millions de podcasts ont été chargés en une année: « Le canal audio prend de plus en plus d’importance et offre un univers immersif de proximité et une flexibilité de consommation. Dans vos parcours de formation, y avez-vous pensé? ».
Dorra Ben Ayed pense que c’est un canal comme un autre. Mais Zied Rouissi, DG du Centre national de formation continue et de promotion professionnelle (CNFCPP), confesse qu’il n’y a pas encore pensé: « Lors de la Covid, on a découvert les problèmes de la formation à distance. Il y a au moins 10 nouvelles techniques (formation à distance, Blended, Cooc, Mooc, micro-learning, gamification, classe virtuelle, Adaptative Learning, Social Learning, Mobile Learning) alors qu’en Tunisie, nous sommes encore en mode présentiel».
Il regrette que l’on ne finance pas la formation à distance dans notre pays alors que le monde a changé et que le micro-learning a inspiré 1000 millions de capsules audio de 3 mn chez les Mexicains qui les vendent au monde entier. « Depuis les années 2000, la RH est devenue une fonction transversale mais le vocable-même de formation continue n’existe plus; on parle désormais de Capacity Building! », ajoute-t-il.
Suit un débat animé avec des interrogations sur le cadrage du système de formation, l’accoutumance et la dispersion, le Paypal, le potentiel des jeunes, l’ingénierie de la formation, l’approche qualitative, les besoins des collaborateurs…
Les éléments de réponse montrent qu’il faut passer du qualitatif à l’analytique sinon notre pays restera en retard, que Paypal ne sera pas prochainement en Tunisie pour diverses raisons, que les entreprises devraient créer des parcours « personnels » de formation, qu’il faut prendre en compte la pyramide des âges et les besoins des employés, que les gens préfèrent une formation certifiante (ce n’est pas évident à cause de la crainte de fuite), que l’approche qualitative est au niveau de la méthodologie d’approche et pas de l’identification des thèmes… et qu’un panel ouvert c’est le jackpot!