L’Institut des hautes études commerciales de Carthage (IHEC Carthage) vient d’organiser, du 22 au 29 janvier 2022, la 18e édition du HEC’Challenge, une compétition annuelle de création d’entreprises entre des équipes d’étudiants pluridisciplinaires, placée cette année sous le thème de l’innovation circulaire. Trois équipes sont montées sur le podium du tournoi qui a clôturé le challenge.
Impossible de rater le bonsaï géant, modelant l’olivier légendaire par une extravagante recherche esthétique, et que fixe, du haut de ses 126 ans, la chapelle Sainte-Monique devenue la salle de conférences la plus romantique de l’Institut des hautes études commerciales de Carthage. C’est là que se dispute le podium de la 18e édition du HEC’Challenge au milieu d’une exposition d’œuvres artistiques créées à partir de déchets et de matériaux récupérés.
Créer des boucles de valeur
Une inspiration d’innovation circulaire qui se trouve au cœur de la thématique de cette 18e édition reposant sur une utilisation optimale des ressources et sur la création de boucles de valeur positives faites de nouveaux modes de conception, de production et de consommation plus verts.
Concrètement, le Challenge est une obligation de passage pour 96 étudiants en 12 équipes, co-tutorés par 24 mentors professionnels et académiques et accompagnés par des experts en 2e année de master (en entrepreneuriat, intelligence marketing et veille stratégique, e-commerce / big data, marketing digital et tourisme) avec le double but de développer leur esprit entrepreneurial et de faire émerger de nouvelles idées de startups où brilleraient idées et innovations capables de dynamiser notre économie. Une occasion de développer des partenariats, surtout avec le secteur privé.
Après la formation des équipes, l’attribution des mentors, le process de Team Building, la construction des idées et le développement des business models, les étudiants finalistes étaient prêts à la clôture du 29 janvier avec leurs projets face à un jury de professionnels et d’académiciens.
Jury professionnel et jury académique
« Ce challenge fait partie du plan d’études de nombreux masters et nous l’organisons donc chaque année », souligne Hassen Mzali, directeur de l’IHEC Carthage, qui a annoncé que l’événement était suivi en direct par l’Ecole de commerce et de gestion de Casablanca (ECGC) dont le directeur est intervenu pour adresser ses félicitations.
Félicitations également de la part de Nasreddine Nsibi, ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi, présent pour l’ouverture du tournoi inter-étudiants, qui a rappelé que l’IHEC a beaucoup donné à la Tunisie : « C’est de la sorte que l’on forge les jeunes ; entreprendre et travailler en équipe ; une expérience qui leur aura permis de percer ».
C’est dans le même esprit qu’Intissar Abbès, maître-assistante et spécialiste du marketing de l’innovation, a orchestré les partitions du HEC’Challenge où 5 équipes, choisies sur 12 demi-finalistes, sont entrées en compétition : « Notre but est de booster la créativité de nos étudiants pour qu’ils soient en mesure d’inventer des projets et de déployer le travail nécessaire à les faire émerger ». C’est donc elle qui a présenté le jury de la finale qui se compose de deux modules.
D’abord un jury professionnel : Fayçal Bouchlaghem (PDG du groupe Bouchamaoui), Ahmed Rjiba (PDG de l’ATB), Lamjed Ben Mbarek (PDG de Grant Thornton), Haikal Belhassine (PDG de la Citibank), Maher Rabeh (groupe S2i), Iheb Béji (PDG de Medianet-Startup Village), Foued Khiri (PDG de KPMG). Puis un jury académique : Rim Faiez (Pr en informatique de gestion), Senda Baghdadi (Pr en marketing), Myriam Bousrih (Pr en entrepreneuriat), Abdelkader Boudriga (Pr en finance), Kais Hammami (expert en prospective-Chairs Unesco).
Kalsiti, Cactus, Habrick, Recycirc, Bounta
C’est également elle qui a présenté les 5 équipes demi-finalistes : Equipe2 Kalsiti, Equipe4 Cactus, Equipe5 Habrick, Equipe6 Recycirc, Equipe7 Bounta ; laissant la parole aux étudiants pour qu’ils défendent eux-mêmes leurs couleurs.
Le premier projet à être évalué est Bounta ; les étudiants ‘vendent’ leur projet, citent des chiffres, font passer des diapos pour étayer leurs propos : de l’acétate de cellulose recyclé à partir de la collecte de mégots de cigarettes ; ils exposent leur business model, leur processus de collecte, leur projection financière, génération de profit : 312 mille dinars par an avec une marge de 30% la première année, plus de 460 mille dinars la 3e année.
Le jury pose des questions sur l’investissement (le responsable financement répond que les coûts sont de 160 mille dinars), sur les détails de la collecte de mégots (le responsable de la collecte au sein de l’équipe répond qu’ils ont choisi des partenaires pour faire la collecte), sur les chiffres jugés un peu irréalistes et que la bounta ‘mégot’ reviendrait plus cher qu’une cigarette (réponse sur les chiffres de consommation du tabac qui est toujours en croissance), sur le marché escompté, sur les clients potentiels.
Le deuxième projet en évaluation est Habrick. L’industrie du textile est la seconde la plus polluante après le pétrole (140 mille tonnes de déchets par an en Tunisie) et le projet se base sur des produits construits à partir de ces déchets (décoration, ameublement) : tri, broyage, mélange avec colle, moulage et voici des matériaux recyclés totalement acoustiques pour le marché de l’ameublement et deux entreprises y sont intéressées. L’analyse concurrentielle : pas de concurrent direct (en local) parce que le produit est nouveau, l’étude financière, deux hypothèses de production (60 et 100% sur 3 ans) ; coût 403 mille dinars. Les questions du jury ont intéressé l’isolation, la destination du produit (jusqu’à l’habillage des murs, disent les jeunes)… pas beaucoup de questions, plutôt des remarques et des félicitations !
Le troisième projet est Kalsity : les vieux habits usés qui vont finir par être incinérés : imaginez l’impact écologique ; leur donner une autre vie en procédé 100% tunisien : collecte, tri, recyclage, tricotage… un marché mondial de 24 milliards de dollars en 2025 ; les clients sont de tous âges, un ticket d’entrée à une communauté, partenaires (artistes, transporteurs), ils sont les seuls à proposer un produit 100% recyclé et 100% personnalisé pour un investissement de 60 mille dinars rentabilisé en 13 mois. Les questions sont sur les coûts de production (les concurrents vendent les chaussettes personnalisées 12 à 13 dinars ; nous, 2 à 3 dinars, disent les jeunes), sur le design, sur le tri, sur la rentabilité encore une fois (la personnalisation est la réponse), sur le design encore une fois, sur le recyclage, sur la valorisation par un travail d’artiste (on a pensé à un partenariat avec une actrice, des artisans tunisiens à faire connaître, répondent les étudiants).
Le quatrième projet est Recycirc : 6 millions de masques sont jetés chaque jour en Tunisie ; et il s ‘agit de transformer ces déchets dangereux en produits utiles et écologiques, en granulés : installation de points de collecte un peu partout, machine à ultraviolets très puissants qui enlèvent toute trace de virus, broyage après avoir enlevé la partie métallique, ces granulés ont une résistance exceptionnelle ; les produits sont destinés au secteur textile, à l’électroménager, l’industrie automobile ; avec un business model sur l’avantage concurrentiel de la production de granulés polypropylènes ; et un investissement de 170 mille dinars, une évolution de 10% par an. Les questions du jury concernent les matières utilisées, les perspectives post-Covid car la consommation de masques va chuter (les jeunes disent qu’ils s’orienteront vers d’autres aspects de recyclage après la Covid), le coût du processus de traitement des masques qui sont porteurs de virus.
Le cinquième projet est Cactus : transformation des déchets de construction et de démolition en pavés ; les déchets (des millions de m3 de ciment, gravier, briques, sable) sont très polluants : collecte, tri, recyclage, transformation ; le secteur MCCV est en croissance de 7% par an ; le business model propose des pavés multicolores, écologiques et à moindre coût. Cibler le segment des particuliers, municipalités, entrepreneurs du bâtiment, ONG, architectes, designers ; puis distribution sur le Grand Tunis en premier, com et événementiel ; activités : locaux, machines, recyclage, production, commercialisation, ressources humaines, recette de transformation, partenaires.
Face aux concurrents, l’avantage est l’aptitude à personnaliser le produit. Les questions du jury portent sur le prix de vente (10 à 50 dinars le m2), la collecte des déchets, les relations avec les municipalités (les gens répondent sur l’alternative intéressante à moindre coût et étonnent tout le monde en annonçant que leurs pavés sont destinés à des villes futuristes !).
Après délibérations, le double jury a tranché : 1er prix à Bounta, 2e prix à Habrick et 3e prix à Recycirc.