Certaines négligences ou mauvaises perceptions des priorités peuvent coûter cher en termes d’opportunités. Ne pas donner le poids qu’il faut à la structure organisationnelle de la fonction marketing en est une. Nos PME tirent-elles profit de ces nouvelles approches du marketing qui émergent tous les jours pour leur développement ?
Certes, elles ne peuvent pas y consacrer un budget énorme ! Toutefois, les PME ne peuvent pas faire l’impasse sur une stratégie et un plan marketing. Malheureusement, la réalité est tout autre. A travers une étude sur la pratique du marketing dans les PME où il a commencé par établir un état des lieux, Lassaad Ghachem, docteur habilité à diriger des recherches en sciences de gestion, a décelé un manque de formalisation du marketing dans la PME et une négligence du marketing stratégique.
Un marketing en manque de formalisation
« Ce qui manque à nos PME c’est la formalisation du marketing même au niveau des outils », a souligné Ghachem. Et d’expliquer que « dans plusieurs entreprises, il y a une vraie confusion entre la communication et le marketing. Au niveau des entreprises qui ont sollicité notre accompagnement, on remarquait l’absence de vrai plan marketing, d’outils, de tableau de bord marketing et d’indicateurs chiffrés». La mise en place d’une stratégie marketing claire permet réellement de garder le contrôle sur les objectifs tracés pour son entreprise.
Une réelle implication du marketing dans les autres fonctions de l’entreprise s’avère d’une grande exigence. « Par exemple, on constate l’absence de vrais liens avec le service-clientèle, avec le développement du produit, … », indique Lassaad Ghachem. Définir une stratégie marketing permet de rester aligné sur la stratégie globale de l’entreprise et de garder le cap sur ses objectifs à court, moyen et long terme, encore faut-il que l’entrepreneur soit convaincu par cette procédure. La réalité des PME tunisiennes est que le poids de la fonction marketing est largement tributaire de la perception du dirigeant. « Pour un entrepreneur qui n’a pas été formé en marketing, il est difficile de le convaincre de son importance dans la réussite de son entreprise », a soutenu l’expert en marketing stratégie.
Le point de départ avec le marketing stratégique
Généralement, l’étape de l’élaboration des études de marché qui permet de fixer la segmentation, le positionnement, le ciblage… n’est pas prise au sérieux. « De ce fait, plusieurs entreprises se trompent de cibles, ignorent leurs concurrents indirects, ou se concentrent sur un seul segment et en négligent d’autres », explique Lassaad Ghachem. En l’absence d’une stratégie marketing, l’entreprise ne sera pas en mesure de pouvoir analyser le potentiel du marché dans lequel elle évolue, de connaître ses concurrents et de mettre en avant ses points forts, d’identifier ses clients et de les fidéliser, d’améliorer sa visibilité et d’établir la liste de ses priorités.
L’aspect opérationnel du marketing
« Négliger de mettre en place une stratégie marketing dans son entreprise va se répercuter sur le marketing opérationnel », a précisé Ghachem. Et d’ajouter : « Quand on se trompe de stratégie, c’est l’opérationnel qui est automatiquement affecté ». En effet, Ghachem explique que ceci se traduit par une incohérence entre les 4P, par exemple, un prix qui ne correspond pas au positionnement de la marque, à la segmentation, un circuit de distribution qui n’est pas adapté à la cible. C’est dans ce sens que plusieurs dirigeants focalisent sur le marketing digital alors que celui-ci n’est autre que l’usage du digital dans le marketing. A titre d’exemple, pour une certaine cible, le circuit de distribution serait le site web.
Les bonnes pratiques ?
Prendre le train en marche et instaurer un réel plan stratégique pour son entreprise, ce n’est jamais tard ! selon Ghachem. Toutefois, un entrepreneur est appelé à « commencer par faire un diagnostic marketing de son entreprise par rapport à son marché, à son positionnement, à son objectif marketing… ». Toujours dans l’objectif de se rattraper et de mettre en place un plan marketing au lieu d’actions marketing, Ghachem propose même aux entrepreneurs de se former en marketing. « Il est important de faire le marketing du marketing et nous sommes très sollicités pour faire des formations ciblées en marketing pour les chefs d’entreprise, mais encore faut-il qu’ils fassent la différence entre le marketing et le marketing digital », a-t-il accentué.
« Mon deuxième conseil serait la sensibilisation au niveau des employés de la PME », a ajouté Ghachem. Et d’ajouter : « Il est important d’intégrer et de sensibiliser toutes les parties prenantes dans l’entreprise à l’approche marketing et de responsabiliser une seule personne. Celle-ci prendra en charge le volet marketing en faisant la veille, la recherche d’informations… et qui soit impliqué au sein des différents départements ». Quant au dernier conseil cité par l’enseignant-chercheur, il serait la mise en place d’un tableau de bord marketing qui inclut des indicateurs tels que les dépenses marketing, le coût d’acquisition client, le coût des actions marketing en pourcentage du CA, la répartition du budget marketing par produit, le taux de pénétration, le taux de notoriété, l’image de marque, l’évolution du niveau de satisfaction clients…
L’idéal, selon Ghachem, serait d’instaurer dans l’entreprise toute une culture marketing en intégrant, par exemple, tout le staff pour la préparation du diagnostic, en les familiarisant avec des outils, des plans formalisés et notamment de la formation. Une démarche vivement recommandée pour les PME afin de réussir à gérer l’atteinte de leurs objectifs.