La modeste croissance de 2021 était attendue et il ne faut pas espérer un retour en grâce durant les années à venir tant que les différents gouvernements continuent à ignorer les vrais problèmes de fond et préfèrent gérer la trésorerie en fonction de la colère sociale.
Mais ce que nos responsables et une majorité écrasante de la population oublient, c’est qu’un Etat qui se respecte ne peut pas fonctionner à la soviétique en 2021.
Quel est le bilan collectif de la dernière décennie ? Créer des emplois fictifs, du point de vue productivité, dans la fonction publique ? Des revalorisations salariales ? En contrepartie, c’est une inflation galopante, un pouvoir d’achat effrité, un investissement public en berne, un chômage à deux chiffres et une incapacité à entreprendre des réformes. Combien de temps cela peut-il encore durer ? Pas pour longtemps car le modèle a épuisé toute sa durée de vie.
Le momentum politique était extrêmement favorable en juillet. La popularité unique de Kais Saied et le niveau de confiance en sa personne lui permettaient de mener les réformes qu’il fallait. Maintenant, le retard qu’il a pris dans ses décisions fait que cette marge d’action est quasiment perdue. Retour donc à la case départ, avec les difficultés de convaincre les Tunisiens de la nécessité de sacrifier des années pour sauver le sort des générations à venir. L’idée est même incompatible avec le discours officiel qui évoque un pays riche, mais la corruption prive l’Etat et le peuple de ses moyens.
Du point de vue pratique, certaines mesures urgentes doivent être prises dans les plus brefs délais pour que la machine puisse repartir dans deux ou trois trimestres.
La première concerne une libéralisation des activités économiques en Tunisie. L’Etat doit se limiter au contrôle des opérateurs et à la vérification du respect des règles d’exercice. Cela permettra d’attirer des flux d’investissements étrangers et d’encourager les locaux à chercher de la croissance dans de nouveaux créneaux.
La deuxième mesure est l’amélioration de la gouvernance des entreprises publiques et le lancement d’un plan sérieux de restructuration des entités qui pèsent sur les finances de l’Etat. Certaines sont au cœur de toute relance économique, surtout la CTN et Tunisair.
La troisième est la refonte du système fiscal, avec l’orientation des avantages vers la création de l’emploi. Un chômage à 18,4% est socialement inacceptable alors que ceux qui sont sortis le 25 juillet pensaient que l’Etat allait absorber tous les jeunes en inactivité. Le nombre de contestations en cours est l’illustration de cette déception.
La quatrième est la création de nouveaux mécanismes de financement au profit des entreprises dont la majorité ne peut pas emprunter à des taux avoisinant les 10%. Même si elles ont des opportunités pour redémarrer, l’absence de ressources les prive de cette possibilité.
La cinquième mesure est la mise en place d’un plan urgent pour passer à une économie verte le plus rapidement possible. Si nos principaux partenaires envisagent de le faire en 2030 au plus tard, nous risquons de perdre notre premier marché. Les produits exportés doivent respecter certaines normes que les entreprises ne peuvent pas respecter avec leurs seuls efforts.
C’est le minimum syndical à réaliser durant les mois prochains pour que l’espoir puisse renaître. Nous ne vivons pas seuls dans ce monde et nous ne sommes pas en son centre non plus. Tous nos produits offerts sont facilement substituables. Évoluer est une obligation, sinon c’est la fin la plus rapide d’une « démocratie ».