La lire turque est en train de traverser le pire épisode de son histoire. Les perspectives d’une nouvelle baisse des taux d’intérêt qui se profile, après l’éviction de responsables clés dans le comité de fixation des taux la semaine dernière, ont pesé lourd. Un mois auparavant, la Banque centrale a réduit de manière inattendue son taux directeur à 18%, alors que l’inflation frôlait les 20%. Les investisseurs estiment que les responsables politiques s’alignent sur l’appel d’Erdogan en faveur d’une baisse des taux d’intérêt tout en ignorant les risques économiques.
En Turquie, les résidents ont accumulé plus de 230 milliards de dollars de devises étrangères, quasiment la moitié des dépôts auprès des banques. C’est la meilleure protection contre l’inflation pour une population irritée par la dévaluation de la lire qui a érodé leurs économies. La monnaie turque va signer sa neuvième année consécutive de dépréciation, perdant plus de 80% de sa valeur sur cette période.
Ces événements qui se déroulent à l’est de la Méditerranée nous concernent directement. Toute dépréciation de la lire signifie le creusement de notre déficit commercial avec Istanbul. Au-delà de certains avantages accordés par ceux qui ont gouverné la Tunisie durant la dernière décennie, personne ne peut nier que les produits turcs sont extrêmement compétitifs et que leur rapport qualité/prix est l’un des meilleurs au monde. La Turquie, qui a une part de marché de 3,65% dans les exportations vers l’Union européenne, tire profit de la dépréciation de sa monnaie pour doper son industrie.
La Tunisie figure bien sur la liste des victimes de la dépréciation de la lire. Selon les chiffres de l’INS, le déficit commercial avec ce pays, à fin septembre 2021, est de 1 825 millions de dinars. Nous perdons plus de 2 020 millions de dinars chaque mois dans nos transactions avec ce pays. Cela sans compter le commerce clandestin de certains Tunisiens qui multiplient les allers-retours vers Istanbul pour vendre le résultat de leur shopping sur les réseaux sociaux.
Pour réduire ce gap, nous ne sommes pas actuellement armés. Nous n’avons pas assez de produits qui sont suffisamment compétitifs pour s’imposer sur ce marché. Limiter les importations n’est pas également une solution durable car cela risque de nuire au peu d’importations que nous réalisons. Il faut au moins canaliser les importations vers les produits semi-finis et ceux qui peuvent être incorporés dans des biens destinés à l’exportation.