Dans une nouvelle édition du rapport Groundswell publiée lundi, la Banque mondiale avertit que le changement climatique constitue un facteur de migration de plus en plus puissant qui pourrait contraindre, d’ici à 2050, quelque 216 millions de personnes dans le monde en développement à migrer à l’intérieur de leur pays. Des foyers de migration climatique interne pourraient apparaître dès 2030 et s’accroître progressivement jusqu’en 2050. Le rapport estime également qu’une action immédiate et coordonnée en vue de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) et de soutenir un développement vert, résilient et inclusif pourrait diminuer l’ampleur des migrations climatiques internes de 80 %.
Les résultats pour l’Afrique du Nord : migration vers les zones riches en eau
Les résultats de la modélisation indiquent clairement des schémas spatiaux d’immigration et d’émigration climatique à l’intérieur de chaque pays et de chaque région, notamment des foyers qui apparaissent dès 2030 et s’intensifient de plus en plus jusqu’en 2050. Les effets du changement climatique sont déjà visibles et devraient réduire l’attrait des conditions de subsistance et de ressources dans les systèmes ruraux, côtiers et urbains de l’ensemble des régions. Par conséquent, bon nombre de pays pourraient voir la répartition de la population se modifier, en plus des dynamiques déjà complexes de la mobilité. La planification du développement doit être proactive en préparant les foyers d’immigration aux flux des migrants, afin de s’assurer qu’ils sont prêts à les intégrer ; par ailleurs, les foyers d’émigration doivent planifier des possibilités d’adaptation sur place et de renforcement de la résilience des populations qui restent.
En Afrique du Nord, les résultats de la modélisation font apparaître les perturbations de la disponibilité de l’eau comme le principal moteur des migrations climatiques internes. Elles chassent les populations des régions côtières et intérieures dans lesquelles l’eau se raréfie, ralentissant la croissance démographique dans les foyers d’émigration climatique le long de la côte nord-est de la Tunisie, la côte nord-ouest de l’Algérie, l’ouest et le sud du Maroc ainsi que les contreforts de l’Atlas central qui subissent déjà le stress hydrique. En Égypte, les parties est et ouest du delta du Nil, Alexandrie comprise, pourraient devenir des foyers d’émigration en raison à la fois de l’indisponibilité croissante de l’eau et de l’élévation du niveau de la mer. Cependant, plusieurs autres lieux où l’eau est plus disponible devraient devenir des foyers d’immigration climatique, notamment des centres urbains importants comme Le Caire, Alger, Tunis, Tripoli, le corridor Casablanca-Rabat et Tanger.
Prévoir les migrations à venir en assurant une infrastructure d’accueil adaptée
Les responsables des politiques devront aussi veiller à ce que, d’une part, les zones de départ soient préparées comme il convient à assurer la résilience des personnes qui restent et que, d’autre part, les zones d’accueil soient suffisamment prêtes à intégrer un flot de personnes supplémentaires. Plusieurs des foyers d’immigration climatique identifiés dans les régions couvertes par le présent rapport sont des grands centres urbains, comme Alger, le corridor Casablanca-Rabat, Tanger et Tunis en Afrique du Nord. Ces villes devront offrir des services publics avancés, des programmes de logement à bas coût et des possibilités d’emploi à un nombre croissant de personnes.
L’Afrique du Nord devrait connaître la plus grande proportion de migrants climatiques par rapport à la population totale, par comparaison avec les autres régions visées par les rapports Groundswell. Dans le scénario de référence pessimiste, le nombre projeté de migrants climatiques pourrait atteindre 19,3 millions de personnes, soit 9,0 % de la population totale de la sous-région à l’horizon 2010 à l’extrémité supérieure du scénario de référence pessimiste. La moyenne pour ce scénario est de 13,0 millions de personnes (6,0 pour cent de la population totale). Une grave pénurie d’eau et les impacts associés à l’élévation du niveau de la mer dans les zones côtières densément peuplées et dans le delta du Nil expliquent ces tendances projetées.
En moyenne, dans le scénario de développement plus inclusif, le nombre de migrants climatiques est réduit de près d’un quart, passant à 9,9 millions (4,2 % de la population totale) et dans le scénario plus respectueux du climat, il est réduit de plus de 65 % pour atteindre 4,5 millions (2,1 % de la population totale). Les différences entre les
scénarios soulignent le rôle que jouent à la fois les modes de développement plus inclusifs et les réductions d’émissions mondiales pour atténuer les pressions climatiques sur les systèmes de subsistance et les centres de population.
Le développement spatial est sensible au climat, et les points chauds de l’immigration et de l’émigration climatiques auront une importance critique à l’avenir. L’exode climatique se produira dans les zones où les systèmes de subsistance sont de plus en plus
compromis par les effets du changement climatique, tandis que la migration vers le climat se produira dans les zones offrant de meilleurs moyens de subsistance.
Les points chauds de la migration climatique
Les points chauds de la migration climatique commencent à apparaître en 2030, et d’ici 2050, ils s’étendent et s’intensifient dans toute la sous-région. Les points chauds de la migration climatique vers l’extérieur comprennent d’importantes zones côtières, telles que les parties est et ouest de l’Afrique du Sud, les parties orientale et occidentale du delta du Nil (y compris Alexandrie), la côte nord-est de la Tunisie, y compris Kélibia ; les zones côtières du nord-ouest de l’Algérie, y compris Oran ; et de plus petites zones de la côte ouest et sud-ouest du Maroc, y compris Agadir et Safi. Dans l’ensemble, les zones côtières rurales ont également tendance à connaître un exode climatique. La croissance de la population dans ces zones côtières pourrait donc être freinée, principalement par la diminution de la disponibilité de l’eau.
Les points chauds de l’immigration climatique devraient se situer dans la vallée du Nil et le delta central, sur les côtes nord et sud de la Tunisie, y compris le golfe de Gabès, la partie orientale de la côte algérienne et la côte nord du Maroc. Ces points chauds de l’immigration climatique comprennent des zones urbaines de grande et moyenne taille comme Le Caire, Alger, Tunis, Tripoli, le couloir Casablanca-Rabat et Tanger, ce qui amplifie les tendances prévues en matière de croissance démographique dans ces régions.
Plus précisément, les points chauds de l’immigration climatique coïncident avec les zones qui devraient présenter les caractéristiques suivantes : productivité des cultures et disponibilité de l’eau, y compris les zones très arides du sud de l’Algérie (où se trouvent
l’oasis et la ville de Tamanrasset). Ces projections ne tiennent pas compte de l’actuelle
capacité de charge des terres agricoles dans la vallée du Nil et les zones arides.