L’INS a annoncé, ce mois-ci, avoir procédé à une opération de rebasage des comptes nationaux. L’opération a résulté au changement de plusieurs indicateurs clés. L’annonce de ces modifications dans un contexte économique difficile, et moins d’un mois après les mesures du 25 juillet, a suscité plusieurs interrogations.
Pour lever le flou sur cette opération, l’IACE a organisé un webinaire sur le thème “Rebasage des Comptes Nationaux : Changement et Impact”.
Lors de ce webinaire, trois principaux points ont été abordés :
- Les raisons du rebasage des comptes nationaux de la Tunisie.
- Quelles sont les conséquences socioéconomiques du rebasage ?
- Quel impact sur le positionnement du pays dans les classements mondiaux ?
Le rebasage des comptes nationaux effectué par l’INS, comment et pourquoi ?
La réévaluation des comptes nationaux par l’INS est le fruit d’un travail de longue haleine qui a été réalisé en partenariat avec l’Union européenne, l’INSEE et le METAC. À travers cette opération, l’INS a procédé à la réévaluation des comptes nationaux par le changement de l’année de base et l’adoption du Système de Comptabilité Nationale de 2008.
Cette réévaluation a été effectuée dans le but de donner une description plus concrète et plus complète de la conjoncture économique, surtout avec les dernières mutations économiques et sociales. Elle vise également à aider le gouvernement pour la formulation des politiques économiques et la prise de décision et à assurer la conformité des indicateurs statistiques produits par l’INS aux meilleurs standards internationaux.
C’est ainsi que l’exercice de rebasage des comptes nationaux est considéré comme nécessaire pour mieux garantir la fiabilité des données macroéconomiques d’une part et favoriser la formulation de politiques publiques plus efficientes et résilientes d’autre part.
Pourquoi doit-on changer l’année de base des comptes nationaux ?
Plusieurs facteurs peuvent justifier le changement d’une année de base tels que le changement de la structure économique du pays. Ces changements sont généralement liés à l’apparition de nouveaux produits et de nouvelles activités, qui n’ont pas été couverts lors des calculs avec l’ancienne base. Plus concrètement, il s’agit de l’adoption des nouvelles versions de la nomenclature d’activités et de classification des produits.
Le changement structurel des habitudes de consommation, de production ou de commercialisation est lui aussi un facteur clé qui peut justifier le changement de l’année de base. Le comportement du consommateur étant en évolution continue, ce qui nécessite un suivi régulier à court terme de la matrice des consommations intermédiaires. Ceci est d’autant plus important que les changements perpétuels du comportement de consommation poussent toutes les unités de production économiques à adapter leurs processus pour s’aligner sur les nouveaux besoins.
Autre facteur : le changement structurel des prix. Les comptes nationaux sont généralement établis à partir d’une année de base qui constitue l’année de référence pour tous les agrégats et les produits. Les changements de prix sont de nature à altérer la qualité des séries des comptes si la périodicité de révision de la base de calcul est très longue.
L’alignement sur les nouveaux standards des références internationales peut aussi justifier le changement de l’année de base. La convergence vers les nouvelles versions des références internationales (SCN 2008) est de nature à améliorer la méthodologie de calcul et favoriser les comparaisons entre pays (Programme de comparaison international, PCI-Afrique).
Un tel rebasage permet également une meilleure intégration de l’économie informelle. Au vu de l’importance du secteur informel dans le tissu économique, il est important que le système de comptabilité nationale contribue à l’évaluation quantitative de ce secteur et ce, via l’adoption d’un cadre méthodologique plus clair et plus formalisé pour mesurer et évaluer le secteur informel en termes de statistiques de production et d’emploi. En effet, le rebasage a favorisé la mise en place d’un dispositif statistique favorable à une meilleure estimation de l’économie informelle. Cette nouvelle évaluation quantitative enrichie par les résultats d’enquêtes a contribué à une meilleure cohérence des statistiques publiées par rapport à la réalité économique et ce, tout en se conformant aux définitions normalisées à l’échelle internationale.
Ceci est d’autant plus important compte tenu de l’importance de ce secteur au niveau de la production et de la croissance, la mobilisation de recettes fiscales potentielles, la répartition des revenus, … Par ailleurs, il y a lieu de noter que ce changement de méthode de calcul est de nature à améliorer davantage la teneur et l’efficacité des politiques publiques sous-jacentes.
Quand doit-on changer l’année de base des comptes nationaux ?
Selon les normes internationales régissant le calcul des comptes nationaux, il est recommandé d’adopter une périodicité de 5 ans sans toutefois dépasser 10 ans. Cependant, sur le plan pratique, le rebasage nécessite des moyens financiers, techniques et humains assez importants, ce qui entrave souvent l’application de cette règle.
Les caractéristiques d’une année de base idéale sont nombreuses. Elle doit d’abord être une année stable sur le plan sociopolitique : les années caractérisées par des perturbations socioéconomiques et des tensions politiques sont à éviter à cause de la forte interdépendance entre la situation économique et la situation sociopolitique. Elle doit aussi être une année normale sur le plan économique : les années de récession ou d’expansion ne devraient pas être considérées comme des années de base (éviter les années de grands chocs économiques, sanitaires et financiers). Naturellement, il ne faut pas qu’elle soit très éloignée : le choix d’une année pas très lointaine, soit la plus récente possible, est de nature à mieux refléter la réalité de la conjoncture économique et le changement des comportements.
Et, finalement, il faut qu’elle soit une année où il y a possibilité de disposer de sources d’informations assez complètes : la disponibilité de sources d’informations exhaustives et, éventuellement, d’investigations statistiques ponctuelles est une condition nécessaire pour le choix de l’année de base.