L’acquisition de 59,999% du capital de la BTK par l’Etablissement M.T. Elloumi est un joli coup réalisé par l’un des meilleurs groupements économiques en Tunisie. De plus, cette opération a été réalisée à un euro symbolique, montrant que le français BPCE était prêt à tout pour lâcher sa participation.
La situation de la banque est inquiétante. Elle a terminé 2020 avec une perte de 32,225 MTND, portant ses résultats reportés à -192,480 MTND. Les fonds propres de la BTK sont seulement de 69,432 MTND. Une recapitalisation pour combler ce trou urge donc et c’est le vrai coût que les Elloumi vont devoir payer.
Du point de vue prudentiel, la situation est également critique, avec des ratios généralement en deçà des seuils exigés. Fin 2020, le ratio de solvabilité est de 5,62% (contre un minimum réglementaire de 10%) et le ratio Tier 1 est de 3,55% (le minimum est de 7%). Par contre, le ratio de liquidité s’élève à 171,4%, supérieur au minimum réglementaire (100%). Le ratio de transformation (Crédits/Dépôts) est de 122,03% (un maximum de 120% exigé).
Est-ce que cette acquisition va donner un accès illimité aux crédits bancaires pour le groupe ? Non, car la réglementation en vigueur (Circulaire de la BCT N° 2017-06) limite les engagements sur les parties liées à 25% de leurs fonds propres nets. En d’autres termes, et tenant compte des chiffres de 2020, les sociétés du groupe ne pourront pas emprunter de la banque plus de 16,500 MTND !
A court et moyen terme, la priorité serait la restructuration de l’établissement, la définition d’une nouvelle politique commerciale, le recrutement de nouveaux talents et la mise à jour de son système d’information.
Cependant, le groupe pourra bien bénéficier des synergies à créer avec la banque. Il pourra mieux optimiser et fructifier sa trésorerie via des opérations de placements. L’accès à sa propre salle de marchés est également un avantage unique. Avec ses opérations d’exportations/importations, les plus importantes dans le secteur privé, le groupe pourra désormais réaliser des gains de change significatifs, notamment en pouvant sécuriser ses achats en devises aux meilleurs prix. Les procédures seront plus simples, augmentant la productivité de toute l’entité.
Il faut donc s’attendre prochainement à la convocation de deux assemblées générales. La première est ordinaire pour désigner le nouveau conseil d’administration et autoriser ce dernier à émettre des emprunts obligataires subordonnés. Ces derniers sont intégrés dans le calcul des ratios réglementaires. La seconde est extraordinaire pour décider une augmentation de capital et fixer ses modalités.
Cette opération donne au groupe Elloumi une nouvelle dimension. Toutes les grandes entreprises industrielles dans le monde, celles qui ont une présence à l’étranger, disposent de leurs propres établissements financiers. A terme, la BTK sera le bras financier d’un groupe qui a, certes, des ambitions pour étendre encore sa présence géographique.