L’économie informelle est un phénomène mondial et omniprésent. Environ 60 % de la population mondiale participe au secteur informel. Bien qu’elle soit surtout répandue dans les économies émergentes et en développement, elle constitue également une part importante des économies avancées.
L’économie informelle est constituée d’activités qui ont une valeur marchande mais qui ne sont pas officiellement enregistrées
L’économie informelle englobe des professions aussi diverses que les chauffeurs de minibus en Afrique, les stands de marché en Amérique latine et les colporteurs que l’on trouve aux feux de signalisation dans le monde entier. Dans les économies avancées, les exemples peuvent aller des travailleurs du bâtiment aux entreprises enregistrées qui exercent des activités informelles, en passant par les travailleurs domestiques.
L’Organisation internationale du travail estime qu’environ 2 milliards de travailleurs, soit plus de 60 % de la population active adulte mondiale, travaillent dans le secteur informel, au moins à temps partiel.
L’économie informelle est un phénomène mondial, mais il existe de grandes variations au sein des pays et entre eux. En moyenne, elle représente 35 % du PIB dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires, contre 15 % dans les économies avancées.
L’Amérique latine et l’Afrique subsaharienne présentent les niveaux d’informalité les plus élevés, tandis que l’Europe et l’Asie de l’Est sont les régions où les niveaux d’informalité sont les plus faibles.
L’économie informelle est difficile à mesurer
En effet, les activités qui s’y déroulent ne peuvent être observées directement et, pour la plupart, les participants à l’économie informelle ne veulent pas être comptabilisés.
Mais il est important d’essayer de mesurer la taille de l’économie informelle en raison de son importance, et aussi parce qu’elle emploie certaines des personnes les plus vulnérables du monde.
L’informalité peut être mesurée de deux manières différentes. L’approche directe est basée sur des enquêtes, des réponses volontaires et d’autres méthodes de conformité pour mesurer directement le nombre de travailleurs et d’entreprises informels.
Les méthodes indirectes se concentrent sur certaines caractéristiques, ou proxies, qui peuvent être observées et sont liées à l’activité économique informelle. La consommation d’électricité, les données satellitaires relatives à l’éclairage nocturne et l’argent liquide en circulation sont des exemples d’approximations. Ces méthodes permettent de mesurer la part de l’économie informelle dans la production totale.
La pandémie de Covid-19 a particulièrement touché les travailleurs informels, notamment les femmes
Cet impact inégal de la pandémie s’explique par le fait que la majorité des travailleurs informels sont employés dans des secteurs où les contacts sont nombreux (comme les employés de maison, les vendeurs de marché et les chauffeurs de taxi) et dans des emplois précaires qui n’offrent pas de congés payés ou la possibilité de travailler à domicile.
Selon les estimations, près de 95 millions de personnes supplémentaires – dont un grand nombre de travailleurs informels – sont passées sous le seuil de l’extrême pauvreté en 2020 par rapport aux projections antérieures à la pandémie.
Les inégalités entre les sexes se creusent également, car des millions de femmes, qui travaillent dans le secteur informel, ont été contraintes d’arrêter de travailler depuis le début de la pandémie. Par exemple, les femmes représentent 80 % des travailleurs domestiques dans le monde, et 72 % d’entre elles ont perdu leur emploi à cause de la pandémie.
En Afrique subsaharienne, 41 % des entreprises appartenant à des femmes ont fermé, contre 34 % de celles appartenant à des hommes.
L’économie informelle est au cœur du processus de développement économique
Comprendre les moteurs et les conséquences de l’informalité est essentiel pour un développement durable et inclusif, car l’informalité est étroitement liée à la vitesse de croissance des pays, à la pauvreté et aux inégalités, y compris les inégalités entre les sexes. Alors que certains individus et entreprises opèrent de manière informelle par choix, 85 % de tous les travailleurs informels ont un emploi précaire, non pas par choix mais en raison d’un manque d’opportunités dans le secteur formel. Cette situation a des conséquences économiques importantes.
Tout d’abord, les pays dotés d’un secteur informel important ont tendance à connaître une croissance inférieure à leur potentiel. Les entreprises informelles ont tendance à rester petites, avec une faible productivité et un accès limité au financement. En outre, elles ne contribuent pas à l’assiette fiscale, ce qui prive les gouvernements des ressources nécessaires pour fournir des services de base à leurs populations.
Deuxièmement, les travailleurs informels sont plus susceptibles d’être pauvres et de gagner des salaires inférieurs à ceux de leurs homologues du secteur formel. Ils ne bénéficient pas de protection sociale, n’ont pas accès au crédit et sont généralement moins instruits.
Troisièmement, l’informalité est liée à l’inégalité entre les sexes. À l’échelle mondiale, 58 pour cent des femmes employées travaillent dans le secteur informel, et sont plus susceptibles d’appartenir aux catégories d’emplois informels les plus précaires et les moins bien rémunérés. En Afrique subsaharienne, la part moyenne des femmes dans l’emploi informel dans le secteur non agricole de la région est de 83 pour cent,
Une approche équilibrée est cruciale pour aborder l’économie informelle, car elle représente actuellement la seule source de revenus et un filet de sécurité essentiel pour des millions de personnes
Il est important que les décideurs politiques se concentrent sur la mise en œuvre de politiques qui contribuent à réduire progressivement ce phénomène en s’attaquant aux moteurs de l’informalité dans chaque pays, notamment l’exclusion sociale et les incitations pour les individus et les entreprises à opérer de manière informelle. Les attaques contre le secteur, motivées par l’idée qu’il fonctionne illégalement et qu’il échappe à l’impôt, ne sont pas la solution.
Au contraire, les politiques qui se sont avérées efficaces comprennent des réformes visant à garantir un accès équitable à l’éducation pour les garçons et les filles, à accroître l’accès au financement, notamment en tirant parti de l’argent mobile et des réformes numériques, et à mettre en place des mesures visant à améliorer l’environnement des affaires. Les mesures spécifiques comprennent la simplification de l’enregistrement et des exigences réglementaires pour les nouvelles entreprises, des systèmes fiscaux simples comprenant un enregistrement facile et le paiement électronique des taxes, et des réformes du marché du travail.
Source : FMI