Les chiffres de la croissance économiques publiés hier par l’INS ont été calculés en tenant compte d’une nouvelle année de base, 2015. Cela a permis d’avoir des chiffres qui collent plus avec la réalité. La décroissance de 2020 est finalement de -9,2%.
Selon les nouvelles données, l’économie informelle pèse 27,4% du PIB fin 2015. L’INS a pu mobiliser un volume important de données sur les unités de production informelles et a mis en place un dispositif statistique spécifique à l’économie souterraine. Cette proportion, certainement aggravée sur les dernières années, ne pourra jamais atteindre le seuil de 50% comme certains ne cessent de véhiculer. En même temps, cela dépasse les estimations de la BCT qui évoque plutôt un taux à deux chiffres mais inférieur à ce qui vient d’être annoncé.
L’agriculture est le secteur où l’informel règne, avec 89% de la valeur ajoutée marchande. Dans l’industrie, ce taux est de 20,8%, provenant essentiellement du BTP (57%). Dans les services marchands, l’informel représente 40% de la valeur ajoutée.
Minimiser ces proportions reste possible. Pour l’agriculture, la plus grande partie de la production est vendue de gré à gré sans passer par les marchés. L’absence de circuits de distribution organisés et les coûts supportés par les producteurs bloquent toute avancée. Prenons le cas d’un petit agriculteur qui exploite quelques hectares pour les cultures maraîchères dans un petit village. Pour que sa marchandise transite par une structure organisée, il doit trouver un camion pour transporter sa production, payer des taxes et déclarer ses revenus auprès de l’administration fiscale. Un calvaire quotidien. Par contre, c’est plus facile de vendre à des intermédiaires qui viennent jusqu’à lui. Ces derniers se greffent sur la chaîne de valeur, pour collecter la production des petits agriculteurs et réaliser des marges très élevées. Si l’Etat investit dans des plateformes de marchés de gros qui raccourcissent le circuit producteur-consommateur, tout le monde en bénéficiera. Il faut préciser que nous parlons ici de plus de 8 milliards de dinars de valeur ajoutée non contrôlée.
Pour le BTP, il y a un problème de main-d’œuvre. Les employés se font de plus en plus rares, rendant le jour/homme coûteux. Si le promoteur immobilier ou le maître d’ouvrage déclare le nombre réel d’employés, il verra sa charge sociale exploser. En même temps, les employés sont généralement satisfaits de cette situation. Bosser dans le noir leur permet de garder l’espoir de décrocher un boulot dans l’administration publique. Parmi les conditions pour travailler au profit de l’Etat, il y a celle d’absence d’immatriculation auprès de la CNSS. Gagner sa vie en postulant jusqu’à l’âge de 40 ans dans les concours est un choix fait par des milliers de jeunes. D’autre part, il y a le problème de la main-d’œuvre africaine sans papiers. Cela sans compter les constructions privées de maisons et les travaux d’extension qui se déroulent sans autorisations.
La solution passe par une révision profonde du code du travail et des cotisations sociales. Plus ces dernières sont élevées et les procédures de recrutement-licenciement sont compliquées, plus le nombre de personnes qui fuient le système augmente.
Idem pour le secteur des services. Dans les cafés, les salons de thé, les restaurants et une grande partie des commerces, la main-d’œuvre n’est pas déclarée et les transactions sont réalisées en cash. Même les marchandises proviennent de circuits parallèles qui évitent les douanes. La révision des droits de douanes et de consommation et la digitalisation massive des opérations de ventes sont l’unique remède à ce fléau.
Révolutionner l’économie tunisienne n’a donc rien de magique. Il faut juste briser les tabous du cadre réglementaire, simplifier les procédures, alléger la fiscalité et numériser les transactions.