Au-delà des chiffres de l’emploi, qui font froid dans le dos, certaines statistiques méritent d’être analysées en détail. Le taux de chômage chez les femmes continue sa tendance baissière (-0,2%) contrairement à celui des hommes (+0,4%). Structurellement, les femmes affichent toujours un taux d’inactivité élevé (23,6%) contre 15,4% pour les hommes. Plus inquiétant encore, chez les jeunes entre 15 et 24 ans, le chômage concerne 41,7% : 42,5% chez les hommes et 40,4% chez les femmes.
Par région, la situation est critique dans le Nord-Ouest (30% contre 20,3% au deuxième trimestre 2019) et le Centre-Ouest (22,1% contre 17,5% deux ans auparavant). Ce sont les zones où l’agriculture est l’activité principale. Dans les régions où les services dominent, l’impact est moins important : au Nord-Est, le taux est de 11,8% (10,6% au deuxième trimestre 2019) et au Centre-Est, il est de 13,8% (10,2% deux ans auparavant). Le Sud affiche également une détérioration de 110 points de base à 23,4%. Seul le Grand Tunis montre une légère amélioration de 10 points de base à 15,8%.
Les conséquences économiques et sociales de cette situation ne tarderont pas à se concrétiser. Un tel chômage chez les jeunes est une source d’instabilité. Nous constatons chaque jour que bon nombre de Tunisiens ne croient plus en ce pays et le quitter, par tous les moyens, est leur unique projet. Pour d’autres, c’est la détresse avec le risque de s’orienter vers la délinquance et même le terrorisme.
La répartition géographique des inactifs dessine également les flux migratoires internes. L’aggravation du chômage dans le Nord va se transformer en une surpopulation dans la capitale. En même temps, les zones de production agricole se trouvent vidés de main-d’œuvre. Tous les jeunes cherchent un boulot dans le service, qui offre un minimum de confort. L’économie se concentre de plus en plus dans les grandes villes qui ne sont pas réellement prêtes à accueillir ce nombre croissant d’habitants. Résultat : des régions intérieures dans les oubliettes, sans investissements et sans perspectives de développement. C’est un terrain favorable au développement du commerce parallèle, notamment dans les zones frontalières.
Stopper ces mouvements migratoires est impossible. Par contre, il faut les accompagner par des mesures qui les décélèrent et qui permettent d’adapter la main-d’œuvre aux besoins de l’économie. Les plans de reconversion professionnelle, de financement d’entreprises et de startups, de formation professionnelle sont une opportunité pour aider les jeunes à trouver plus rapidement un travail. En même temps, il faut travailler sur la modernisation de l’agriculture pour la rendre plus attractive à la nouvelle génération. Cela sans oublier d’investir en infrastructures dans les régions les moins favorisées. Les jeunes ont besoin d’un minimum de conditions pour vivre dignement et sentir qu’ils peuvent bâtir un avenir. C’est cet espoir qui les a motivés le 25 juillet dernier pour sortir fêter le gel du parlement et la fin d’un système. Ne les décevons pas.