Oubliez les hôtels et les plages. Le tourisme vit désormais au rythme d’une nouvelle révolution qui nous fait sortir des sentiers battus. Focus.
En visitant les sites archéologiques, j’ai toujours essayé d’imaginer la vie quotidienne des habitants parcourant les rues et les marchés de ce qui a été, quelques centaines d’années auparavant, une cité proprement dite. Une machine à remonter le temps aurait été un bon moyen d’avoir un aperçu plus réel. Malheureusement, les lois de la physique ne permettaient pas un tel luxe. La technologie nous permet en revanche de simuler l’existence d’une telle machine, et c’est ce que l’équipe de Historiar a réussi à faire. La startup tunisienne a réussi en effet à développer une application de réalité augmentée qui permet aux visiteurs de sites archéologiques de se projeter dans l’histoire.
Sur leurs écrans, les touristes vont être capables de dérouler des animations de la vie quotidienne des précédents habitants du site. À travers cette application, la startup tunisienne souhaite contribuer au développement du tourisme culturel en Tunisie. “Nous avons signé des partenariats avec plusieurs sites archéologiques en Tunisie et dans le monde pour leur permettre d’offrir l’application à leurs visiteurs”, a affirmé Houda Bekir, fondatrice et CEO de la startup. “Nous avions l’intention de lancer l’application en 2020, mais nous avons dû retarder le lancement jusqu’en 2021”, a-t-elle ajouté.
Le tourisme est de plus en plus culturel
Le tourisme culturel a pour objectif de faire découvrir le patrimoine culturel et le mode de vie d’une région ainsi que de ses habitants. Il englobe les visites de sites archéologiques mais aussi de sites naturels, le tourisme architectural, mais aussi le tourisme religieux, les déplacements effectués pour assister à des festivals et autres manifestations culturelles, le tourisme gastronomique, la visite de musées, de monuments, de galeries d’art, etc. Cette forme de tourisme représente, d’après les estimations de l’Organisation mondiale du tourisme, plus de 40% de l’activité touristique dans le monde.
C’est aussi la filière qui connaît la plus forte croissance de tout le secteur. Ceci ne devrait surprendre personne. La culture et le tourisme entretiennent une relation mutuellement bénéfique qui est de nature à renforcer l’attractivité des régions et des pays. De plus en plus, la culture est une composante importante du produit touristique parce qu’elle permet de se différencier sur un marché mondial très encombré. Pareillement, le tourisme est un vecteur puissant pour valoriser la culture et procurer des revenus qui contribuent à entretenir et à développer le patrimoine culturel, la production culturelle et la créativité.
Aux États-Unis, les enquêtes consacrées aux voyageurs amateurs d’histoire/de culture montrent que 30% des touristes américains sont influencés, lorsque le choix d’une destination est motivé par une manifestation ou une activité artistique, culturelle ou patrimoniale précise. Le volume de voyages à caractère historique/culturel s’est accru de 13% de 1996 à 2002, passant de 192.4 millions à 216.8 millions de personnes/voyages, soit un rythme de croissance légèrement plus rapide que celui de l’ensemble des voyages intérieurs.
Le rôle important de l’art et du patrimoine culturel est également confirmé par une étude sur le marché provenant du Canada, selon laquelle près de 100 millions de voyages effectués par des résidents américains en 2003 étaient liés à la culture, ce qui représente 50% du total.
La Tunisie vs. les nouvelles tendances du tourisme
“En Tunisie, en revanche, la contribution de la culture dans le développement de l’activité touristique est plus difficile à quantifier puisque les études à ce sujet restent inexistantes (ou difficiles à trouver). Ceci reflète en fait l’absence de conscience collective du rôle important que peuvent jouer la culture et le patrimoine culturel à promouvoir le tourisme et à diversifier ses sources de revenus” affirme Jihed Makni, cofondatrice de Historiar, la startup de réalité augmentée. Contrairement à ce qui se passe ailleurs dans le monde, “l’État tunisien n’est pas en train de mettre en place une politique qui vise à développer le tourisme culturel”, a précisé la startuppeuse.
Et d’ajouter: “Pourtant la Tunisie regorge de sites archéologiques qui peuvent faire de notre pays une destination privilégiée dans le monde”. Notre pays a donc tout intérêt à mettre en place les stratégies nécessaires pour capitaliser sur cet avantage concurrentiel de taille. Ceci est d’autant plus important que dans le monde de l’après-Covid, les touristes ont moins envie de se confiner (encore) dans un hôtel ou une station balnéaire. En effet, Makni affirme qu’on ne parle plus aujourd’hui de touristes mais de voyageurs. “Désormais, the journey is the destination”, précise-t-elle. Le Maroc, par exemple, mise désormais sur ses spécificités culturelles pour attirer les touristes.
Le Royaume chérifien a même mis en place un programme Patrimoine & Héritage qui a pour objectifs “de mettre en exergue l’identité culturelle du Maroc à travers la structuration et la valorisation du patrimoine matériel et immatériel du Royaume”. Dans le cadre de ce programme, le pays prévoit la réhabilitation et la reconversion des monuments historiques du pays tout en préservant leur identité architecturale. La conception de circuits d’interprétation parcourant les médinas des grandes villes impériales du Royaume fait également partie de ce programme. Au programme également, la création d’une société de revalorisation touristique du patrimoine pour mettre à profit l’héritage architectural du Royaume (kasbahs, ksours, ryads, fondouks, palais d’hôte, greniers…) par sa transformation en hébergement haut de gamme.
Autre élément, leur répartition géographique sur l’ensemble du territoire marocain faciliterait le tissage d’un réseau d’établissements classés répondant aux normes internationales. Ce dernier générera par la suite un effet de marque contribuant à la réussite du projet. Le Maroc compte également accélérer la création de grands musées de standing international permettant d’offrir aux touristes une découverte et une interprétation du patrimoine historique et culturel du Royaume.
Prochaine escale: le tourisme expérientiel
Au cours des dernières années, le concept du tourisme culturel a donné naissance au tourisme expérientiel, concept né de la fusion du tourisme culturel et du tourisme d’apprentissage. En offrant une expérience unique aux voyageurs, cette forme de tourisme leur permet de découvrir une région du monde, non pas à travers les musées et les attractions touristiques classiques mais en offrant une immersion totale dans le quotidien de la population locale. Le voyageur est donc invité à s’initier aux coutumes des habitants, en apprendre davantage sur la gastronomie de la région ou encore participer à des ateliers d’artisanat. Le tourisme expérientiel se distingue par quelques caractéristiques clés.
Il s’agit de la volonté du touriste d’acquérir de nouvelles connaissances grâce à une immersion dans la culture locale. La volonté d’être acteur de son voyage en se recentrant sur ce qui nous intéresse réellement. Vous êtes passionné de géologie? Prenez part à une randonnée organisée autour de ce thème! Vous êtes plutôt adepte d’art ? Inscrivez-vous à un cours de poterie locale pour apprendre au contact de la population. Et pour stimuler ses sens, rien de mieux que de s’aventurer dans l’inconnu. En plus de s’ouvrir à de nouvelles sensations, les touristes cherchent à travers ces découvertes à pratiquer un tourisme éco-responsable, une caractéristique de plus en plus importante pour les nouvelles générations.