L’instauration du pass sanitaire en France a causé une vague d’inscriptions sans précédent sur Doctolib, la principale plateforme d’inscription pour la vaccination.
Le discours d’Emmanuel Macron de lundi a suscité pour sa part aussi un engouement vers la plateforme d’inscriptions dans le jour et demi qui a suivi le discours. Instaurant un pass sanitaire, le vaccin devenait obligatoire pour les personnels de santé et pour de nombreuses activités. Près d’1,3 million de Français qui ont pris leurs deux rendez-vous en moins d’un jour et demi après le discours.
Le même jour, le président Kaïs Saïed est allé se faire vacciner au centre de vaccination de Mnihla le lundi 12 juillet. La vidéo de la vaccination du président a été diffusée sur la page Facebook de la présidence et a été largement médiatisée à la télévision et sur les réseaux sociaux.
Résultat de la vaccination : 43 212 personnes enregistrées en deux jours entre le 11 et le 13 juillet sur Evax. C’est dire moins d’inscriptions qu’entre le 9 et le 11 juillet (+72 872 nouveaux inscrits). La vaccination du président n’a pas eu d’effet, si ce n’est elle a découragé les Tunisiens à s’inscrire sur Evax.
Comment se fait-il que la communication institutionnelle et politique autour de la COVID-19 puisse avoir autant d’effet d’une part, et peu d’effet d’autre part ? L’une des premières causes serait le retard de la vaccination. La vaccination du président a eu lieu trois mois après le début de la campagne de vaccination. Devrait-il donner l’exemple en se faisant vacciner parmi les premiers.
Kerim Bouzouita : “C’est la dictature sanitaire et non la communication qui sont à l’origine de la vague d’inscriptions”
Interrogé par le Manager, Kerim Bouzouita, consultant en communication, établit un lien entre la communication institutionnelle et la situation sanitaire avec les dernières actualités en la matière. Il explique : “La vague d’inscriptions la nuit du 12 n’est pas liée au fait que Macron soit le roi de la communication. En effet, il a annoncé des mesures qui s’apparentent à une dictature sanitaire, en violation avec le protocole de Nuremberg. On ne peut pas obliger les gens à être vaccinés. Sauf que là, quelqu’un qui voudrait aller au cinéma doit se vacciner lui et ses enfants. Cela explique les 1 million de vaccination qui ont fait planter le système. Sans vaccin, on est privés de ses droits fondamentaux. C’est de la coercition!
Et pour expliquer le non-événement de l’action du Président, il ajoute : “Kais Saied, lui aussi, a été vacciné sous la pression et n’a pas réussi à susciter une confiance. Au début de la campagne, il a dit a : “Inscrivez-vous, vaccinez-vous, il n’y a pas d’autre solution” sans le faire lui-même et il a tergiversé. Résultat: il a créé une certaine méfiance chez les gens pensent”
ONMNE et comité scientifique de lutte contre le coronavirus
Nous ne sommes pas au bout de nos peines! Une autre erreur majeure de communication commise par le comité scientifique de lutte contre le coronavirus, qualifiant la situation de “très difficile”. Comme indiqué dans l’article de Web Manager Center : “La porte-parole du Comité scientifique de lutte contre le coronavirus, Jalila Ben Khelil, a jugé, dimanche 4 juillet 2021, “très difficile” la situation épidémique dans le pays, et que le taux de positivité des tests est “élevé” dans la mesure où il oscille entre 30 et 50% dans les différentes régions de la République. “La Tunisie n’a pas connu de situation pareille depuis le début de la pandémie en mars 2020”, a-t-elle affirmé lors d’une rencontre virtuelle organisée par l’Association Carthage pour la santé et le Réseau des jeunes médecins tunisiens.”
Et pour rajouter une autre couche, Nissaf Ben Alaya, directrice de l’ONMNE, qui prononce en direct à la radio : “Le système de santé s’est effondré et le bateau est sur le point de couler”. A la question au sujet du comité scientifique, il répond en ces quelques mots : “D’abord, il s’agit d’un communiqué scientifique. Ce n’est pas à lui de communiquer sur le COVID-19. C’est un comité consultatif. Les décideurs écoutent son avis et en fonction de ça, ils prennent leurs décisions. Il n’y a que le gouvernement, premier et dernier responsable qui devrait communiquer.”
Qualifier la situation d’une façon aussi négative ne ferait qu’alarmer les citoyens, endeuillés et gravement affectés par la pandémie, au lieu de les sensibiliser et de les apaiser. Il s’agit d’une erreur de communication majeure dans la stratégie du comité scientifique et de l’ONMNE.
Interrogé sur les axes de la stratégie de communication à adopter autour de la COVID, Kerim Bouzouita affirme: “ De façon générale, en situation de crise, il faut unifier le discours entre les personnes prenant la parole. Cela n’a pas été le cas en Tunisie, comme avec l’intervention de Nissaf Ben Alaya et des personnes qui ont tenté de réparer les conséquences de son intervention. Ensuite, il faut la concentrer autour de quelques personnes du plus haut niveau. Il devrait y avoir un seul porte-parole, avec l’intervention du chef du gouvernement et du ministre de la Santé. c’est tout un métier et il faut prendre ceci au sérieux et faire appel à des spécialistes”. Et de préciser : “La transparence est importante, on ne peut pas parler de vaccination en masse en juin alors que les vaccins vont arriver en août. Ce manque de transparence est plus lié à l’incompétence qu’à la malveillance. Il faut rassurer les gens sur l’avenir. C’est ce que Macron a fait avec le revenu pour les jeunes et les plans de formation. Il a donné avec le bâton et un peu de carotte. En évitant les discours creux et en utilisant des paroles adaptées, il serait possible de faire le minimum en communication”
Emmanuel Macron aide et isole à la fois la Tunisie
Le président Emmanuel Macron a indiqué lors de son discours du 12 juillet qu’il viendrait en aide à la Tunisie pour le vaccin, classant le pays comme faisant partie des pays les plus pauvres et les plus touchés. Il a déclaré que la France a déjà donné plus de 2,5 millions de doses et d’ici la fin de l’année nous donnerons plus d’une dizaine de millions de vaccins. et d’ajouter “nous continuerons à nous mobiliser et à mobiliser nos partenaires pour donner encore davantage aux pays les plus pauvres, en particulier dans les Balkans, en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient. Plusieurs pays sont aujourd’hui fortement touchés et nous allons accroître notre aide. Je pense particulièrement à la Tunisie.” Le lendemain, lors de la conférence de presse de Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, la France a classifié la Tunisie comme étant zone rouge, suivie par plusieurs autres pays, et a annoncé donner 800 000 doses de vaccin ainsi que du matériel médical.
Le fait de classer la Tunisie en zone rouge et de la qualifier de pays parmi les pays les plus pauvres nuit à l’image de la Tunisie à l’international. une autre répercussion de la mauvaise communication autour de la crise COVID au moment où nous devrions montrer que le pays maîtrise la situation et anticipe tous les risques.