Que se passe-t-il lorsque les magistrats se font prendre dans les filets de la justice ?
Depuis des années, certaines figures de la justice tunisienne livrent une guerre entre eux et contre la justice elle-même. Chaque semaine, de nouvelles péripéties, de nouveaux articles, des reports d’audience et de nouvelles informations. Et face à cela, des investisseurs confus. l’application des règles de droit étant le principal critère suivi par les investisseurs étrangers lorsqu’ils s’intéressent à un pays, ceux-ci sont face à l’incertitude d’une telle situation qui les repousse et les décourage. Ils pourraient s’imaginer que s’ils avaient un jour des démêlés avec la justice, ils feraient face à des juges corrompus et des avocats sans vergogne. L’affaire traînait des années durant, sans trouver d’issue et en remettant en doute chaque décision.
La situation est complexe face aux affaires de Taieb Rached et Bechir Akremi. Taieb Rached est l’ancien premier président de la Cour de cassation, plus haut grade de magistrat. Bechir Akremi est l’ancien procureur de la République près le tribunal de première instance de Tunis. Réuni, le conseil de discipline a décidé de reporter l’examen du dossier de Taieb Rached au 1er juillet et celui de Bechir Akremi au 16 du même mois. Puis les deux conseils ont été reportés pour la énième fois au 12 juillet concernant Bechir Akremi et à la mi-juillet concernant Taieb Rached.
Un avocat du milieu des affaires qui a préféré garder l’anonymat s’est prononcé sur la question des investisseurs et du climat judiciaire. “Le climat des affaires est détérioré du fait de la corruption, ce qui entrave l’investissement. Il y a un manque de confiance des investisseurs étrangers. Ils sentent que s’il y a un problème au niveau de la justice, ils ne s’en sortiront pas entre le système judiciaire compliqué et corrompu.”
Un autre avocat, auquel on a demandé quelles solutions apporter à cette situation de crise, a déclaré : “La crise du pouvoir dûe au blocage des institutions a affaibli l’Etat, créant un grand sentiment d’insécurité et d’incertitude chez les investisseurs, nationaux comme étrangers. La solution ne viendra pas de mesures ou de réformes du droit des investissements, mais de la restauration de l’Etat par les grandes révisions qui s’imposent.”
Un juriste a, lui, été plus optimiste sur la situation générale des magistrats : “Il y a une nette différence entre la situation des magistrats avant et après 2011. Avant 2011, les magistrats touchaient un salaire relativement bas, ce qui rendait la corruption plus répandue car les salaires étaient bas et l’appât du gain élevé. Après 2011, les magistrats ont milité pour leurs droits et ils bénéficient désormais d’un meilleur salaire et de meilleures conditions de travail, ce qui a permis de faire baisser la corruption. Le fait que les magistrats avec les plus hauts grades dans la magistrature soient jugés par la justice est la preuve que la corruption et le manque de respect des règles ne demeure pas impuni.”
Reste à voir quelle sera l’issue de ces affaires à reports à répétition. Une réforme en profondeur est nécessaire à l’installation d’un climat favorable à l’investissement. Cela contribue non seulement à un climat sain, mais aussi à une image positive de la Tunisie à l’international.