Alors que le marché semblait avoir une grande confiance en la cession de Carthage Cement, la réception d’une seule offre a constitué un choc pour les investisseurs. La société, en dépit de la nette amélioration de ses performances opérationnelle, n’est pas parvenue à attirer le flux d’intéressés attendus.
En réalité, ce n’est pas une surprise pour plusieurs raisons. Le premier est la situation de l’ensemble du pays. Il suffit de se mettre à la place d’un investisseur étranger qui va mettre des dizaines de millions de dollars dans un actif tunisien. La destination n’est pas politiquement stable et personne ne peut se prononcer aujourd’hui sur la capacité du Gouvernement en place de résister d’ici la fin de l’année. Si les partis les plus influents à l’ARP arrivent à un accord, il ne faut rien exclure. La situation des finances publiques est inquiétante et le décryptage des rapports des agences de notation n’inspire pas confiance pour un lecteur objectif. Le pays n’est pas un abri safe pour n’importe quel investisseur et ce, indépendamment du secteur.
Le second est le niveau d’endettement du cimentier : 423 MTND fin mars 2021. Pour un évaluateur, ce montant sera déduit de la valeur calculée car l’acheteur va aussi supporter le passif de la société. La restructuration effectuée de la dette, avec la réduction du taux d’intérêt, la consolidation et le rééchelonnement du restant de la dette sur 12 ans avec 18 mois de grâce booste certes les résultats financiers, mais n’améliore que légèrement la valorisation.
Le troisième point concerne les perspectives de développement. Le marché tunisien reste étroit, avec la présence de plusieurs opérateurs qui fonctionnent quasiment tous en sous-capacité. L’enjeu reste l’export vers les marchés limitrophes, à savoir l’Algérie et la Libye. Pour l’Algérie, le pays cherche déjà à exporter sa surproduction. En ce qui concerne la Libye, une demande pourrait émerger, mais elle risque de ne pas être durable. En fait, les usines locales sont en train de rouvrir après l’amélioration des conditions sécuritaires et de nouvelles seront construites, notamment par les turques. Les égyptiens sont également fortement présents et leurs volumes de production et moyens logistiques sont nettement meilleurs que les nôtres.
Il faut donc être pragmatique et comprendre, encore une fois, que la Tunisie n’est pas sur les radars des investisseurs étrangers. Ce qui s’est passé dans le dossier Carthage Cement montre encore une fois qu’il faut un travail de fonds pour que le pays retrouve une place sur la carte des destinations considérées par les bailleurs de fonds. L’enjeu est beaucoup plus grand que la simple liquidation d’un actif particulier.