Pour les Tunisiens, la finance islamique reste un phénomène relativement nouveau. Durant des années, elle n’était présente qu’à travers la Best Bank (actuellement Al Baraka Bank Tunisie) qui était interdite de publicité avant que la Banque Zitouna émerge, bénéficiant cette fois d’un appui politique de l’ancien régime.
Aujourd’hui, ce segment de la finance reste encore « embryonnaire » selon les termes de Moody’s qui préconise des efforts accrus de la part du gouvernement pour préparer le secteur à l’avenir. Le cadre légal a évolué et un troisième acteur (Wifak International Bank) est né. Le régulateur a également permis aux banques conventionnelles d’exploiter des fenêtres islamiques qui veulent éviter la perte de clients qui cherchent des produits conformes à la Chariâa.
En 2020, les actifs bancaires islamiques ont atteint 8 051 MTND et représentent toujours moins de 10% de ceux de l’ensemble du secteur. La demande sur leurs produits halals reste forte et la période des taux élevés leur a été réellement favorable. En fait, ces établissements ne peuvent pas se refinancer sur le marché interbancaire comme ceux conventionnels. Elles ne peuvent compter que sur leurs fonds propres, les emprunts obligataires islamiques (Sukuk) ou d’autres moyens à taux variables. Durant les années de faibles taux, ces banques étaient incapables de concurrencer les autres opérateurs car leur coût de ressources était élevé. Elles ne peuvent réellement viser que les clients qui sont profondément convaincus de leurs produits, ce qui limitait leur développement.
Mais lorsque les taux ont flambé, elles se sont trouvées très compétitives et ont pu attirer une nouvelle base de clientèle qui n’est pas nécessairement convaincue par le principe, mais qui cherche un bon service. Néanmoins, il faut que ces banques se préparent à une baisse des taux, qui ne viendrait pas à court terme, afin qu’elles puissent rester performantes.
Par ailleurs, le développement des banques islamiques est intimement lié aux autres activités du secteur. Elles ont besoin de plus d’assureurs Takaful, de réassureurs, de spécialistes de leasing et de microfinance. Ensemble, elles peuvent offrir une gamme complète de produits aux clients qui ne veulent généralement pas alterner entre les produits islamiques et ceux conventionnels.
À terme, nous pensons que des opérations d’acquisitions pourront marquer le secteur, surtout avec la puissance financière de certains actionnaires de ces établissements, comme le qatari Majda. Mais avant cela, il faut que l’économie reprenne pour pouvoir donner du sens à des rapprochements.