« Pour nous, il est clair que le dossier de l’eau mérite bien plus qu’une seule séance au sein de l’ARP ; nous avons besoin d’une vision à long terme car dans les deux décennies qui viennent, nous allons nous trouver face à un énorme challenge en matière de gouvernance hydraulique », a averti le ministre de l’Agriculture devant l’assemblée générale de l’ARP du 24 mai quand il a tiré la sonnette d’alarme à la faveur d’une session questions-réponses.
C’est au détour d’une question sur les règlements des situations des extensions agricoles du gouvernorat de Kébili, à partir des cas de Ain imadat Errabta et Ain imadat Tenbib que le ministre a pris les députés par surprise.
Il s’est d’abord expliqué sur le cas de Ain imadat Errabta à propos d’un puits de remplacement sous l’égide de la direction générale de l’agronomie rurale et des eaux, promettant des travaux pour juillet 2021 et l’entrée en exploitation vers octobre-novembre. Puis les choses ont commencé à chauffer…
L’exploitation de la nappe phréatique dépasse les 220% !
Le détonateur du déballage du ministre est Bir Ben Aissa (de la délégation de Kébili nord) qui se trouve entre les villages de Qitaiyya et Tenbib qui a été mis en service en 1973 pour fournir en eau potable et en irrigation Souk Alahad et Kébili nord. Avec les années, le puits a été abandonné à cause du tarissement du flux artésien et du changement du système d’approvisionnement.
Seulement, les agriculteurs de la région exigent aujourd’hui sa remise en service pour faire face à des projets d’extension de 150 hectares. « Quand nous avons examiné les données, nous avons relevé que pas moins de 140 puits ont été forés d’une manière aléatoire dans cette aire ! Évidemment, la délégation de l’agriculture a refusé cette demande car l’exploitation de la nappe phréatique dépasse les 220% ! », soutient le ministre.
Et il déballe tout : « Les extensions du gouvernorat de Kébili représentent un grand danger pour la pérennité du secteur agricole alors qu’elles participent à l’épuisement de la nappe phréatique. Il faut savoir que la nappe phréatique de Kébili a été intégrée à la Zone de maintenance depuis 1985 (zone où il est interdit de forer des puits, justement à cause du danger d’épuisement). Le nombre de puits aléatoires dans la région dépasse les 9000 puits (plus de 50% de la totalité des puits aléatoires en Tunisie) et cela s’est traduit par une baisse du niveau de la nappe de 1 à 2 mètres par an et de détérioration de la qualité de l’eau avec la hausse de sa salinité et du coût de son extraction ! »
Ce qui nous amène au sujet des règlements des situations des extensions agricoles du gouvernorat de Kébili. La décision a été prise en 2015 par l’affirmative avec le but premier de préserver les ressources hydriques. Malheureusement, seuls 300 ha sur 27 000 ha en ont bénéficié à cause de nombreux problèmes : les questions foncières, la présence d’une seule équipe pour tous les dossiers, le traitement au cas par cas. Mohamed Fadhel Kraiem affirme que des solutions ont été trouvées, à commencer par la décision d’étoffer la délégation régionale de l’agriculture en ressources humaines en septembre 2021 et d’adopter une méthodologie participative pour traiter les règlements (règlements par blocs) en minimisant le nombre de puits en exploitation et de regrouper les producteurs, ensuite par la création d’une équipe centralisée qui chapeautera le tout et qui proposera ces nouvelles démarches à tous ceux qui sont concernés.
En vérité, le ministre était clairement d’avis que la question de l’eau dépasse très largement le contexte de Kébili : « Pour nous, il est clair que le dossier de l’eau mérite bien plus qu’une seule séance au sein de l’ARP ; nous avons besoin d’une vision à long terme car dans les deux décennies qui viennent, nous allons nous trouver face à un énorme challenge en matière de gouvernance hydraulique. »
Problèmes de fourrage et Labo en panne
Poursuivant ses réponses aux interrogations des députés lors de l’assemblée générale de l’ARP du 24 mai, Mohamed Fadhel Kraiem, ministre des TIC et (par intérim) de l’Agriculture, s’est également exprimé sur les ‘écarts’ dans la distribution de fourrage et de son (saddari en arabe) à cause des ‘interventions’. Il a expliqué que l’opération de distribution du fourrage compensé se fait sous la houlette des institutions de l’État ; aussi bien dans le local, le régional que le central sur la base des listes des troupeaux vaccinés ou recensés. C’est là que les quotas sont décidés et la décision n’est pas conditionnée par l’affiliation à une quelconque organisation.
« Les procédures sont claires, mais si vous me dites qu’il pourrait y avoir des écarts dans ces procédures ; c’est possible. Seulement, pour déterminer ces écarts, nous avons besoin de faits et ces faits ne peuvent venir que de comités régionaux et nationaux qui examineraient les cas et qui décideraient en connaissance de cause s’il y a des écarts ou pas. Au cours des trois dernières années, seulement 57 infractions ont été relevées dans plusieurs gouvernorats et de nombreuses mesures de dissuasion ont été prises, dont la fermeture de 19 usines et l’arrêt des commandes auprès de 24 fournisseurs », répond le ministre.
Pour ajuster le système de distribution du fourrage compensé, des cellules d’écoute ont été installées sur le plan central au sein de la direction générale de la production agricole et, sur le plan régional, au sein de la délégation du développement régional, et ceci pour assurer le suivi des doléances des éleveurs et pour leur trouver une résolution.
Et Mohamed Fadhel Kraiem en profite pour lancer un appel : « Les députés peuvent nous aider dans cette perspective en nous communiquant les cas concrets dont ils pourraient avoir connaissance. Nous les suivrons sur le terrain et nous prendrons les mesures dissuasives qui s’imposent. La première décision est donc d’installer les Cellules d’observation et d’écoute au sein de tous les gouvernorats avec une cellule centrale pour le suivi général. La seconde décision, en coordination avec le ministère du Commerce, est d’activer le système de contrôle des minoteries qui existait par le passé mais qui a été arrêté alors qu’il avait eu des répercussions positives sur les volumes de fourrage et de son (saddari) qui sortent des minoteries. »
Le ministre s’est également expliqué sur la situation critique du laboratoire des semences de la délégation de Douz (gouvernorat de Kébili) ; laboratoire créé en 2009 et équipé en 2016 avec un coût de 3,56 MD puis attaché à la direction générale des forêts mais il n’est pas opérationnel à ce jour ! Une bizarrerie que l’on a expliqué à Kraiem par l’indisponibilité des ressources humaines et des crédits de 250 mille dinars nécessaires à sa gestion !
« Pour moi, la question centrale est de se demander si l’attachement de ce laboratoire à la direction générale des forêts est pertinent. Après plusieurs consultations au sein du ministère, nous avons résolu d’attacher le laboratoire à l’une des institutions de recherche agricole ; c’est logique. Nous nous sommes également attelés à sélectionner les cadres et les techniciens qui vont l’occuper. Dès l’année prochaine, il redémarrera. »