En vérité, la Société Régionale de Transport de Kairouan (SORETRAK) a mis la barre très haut quand elle a annoncé, le 24 mars 2021, ses nouvelles solutions conçues par l’opérateur, pionnier du développement des solutions Internet of Things (IoT) en Tunisie : la société Be Wireless Solutions (BWS). Des solutions à même d’améliorer l’expérience voyageur et de permettre à ce dernier des gains en temps et en confort.
Pour le dire plus clairement : les voyageurs vont désormais connaître les horaires précis de passage des bus, réserver leur place sur une plateforme et payer numériquement leur ticket grâce aux solutions D17 et MPGS développées par La Poste.
Solution intelligente à valeur ajoutée pour le citoyen et la SORETRAK
« La solution préconisée pour la SORETRAK est à la fois modulaire (GPS, localisation, planification, information voyageur, billetterie, paiement, gestion carburant) et ouverte (tous les composants communiquent en temps réel sans être prisonnier d’un opérateur exclusif), et aux standards internationaux (toutes les données sont en GTFS) », précise Karim Kharrat, PDG de la société Be Wireless Solutions (BWS).
Lors de sa présentation de la solution du Système d’information voyageur développé pour SORETRAK, le commentaire, sur base de visuel est très coloré : « Vous avez un premier tableau de bord qui illustre un état complet de tous les voyages. Est indiqué le temps de passage dans chaque arrêt, il y a les données historiques, des infos pour l’urbain, l’interurbain et le scolaire en temps réel. Les bordereaux sont accessibles par la société de transport en temps réel également. Toute l’information sur les tickets est disponible, nous pouvons par exemple vérifier la recette (y compris les tarifs spéciaux et les billets gratuits).
Toutes les informations concernant les autobus sont disponibles à travers des modules qui peuvent lire les cartes d’abonnements, les codes à barres et les QRcodes. Il est possible d’assurer le paiement avec le D17 (application de paiement mobile pour tous les clients de la Poste Tunisienne) et d’émettre des billets. Quand le paiement est validé, on peut le vérifier sur smartphone ou l’imprimer… Pour le modèle d’information voyageur, un enregistrement est nécessaire et vous avez accès à votre position, vous pouvez choisir votre voyage, le départ et l’arrêt, le temps précis du passage du bus, vous réservez alors votre ticket avant de le valider… C’est une solution qui permet de couvrir toute la partie transport intelligent. »
Partenariat public-public et partenariat public-privé
Et c’est là où nous dépassons encore une fois la simple opération pilote pour la cristallisation d’un quasi Benchmark: une offre conjointe, née des deux conventions (entre la SORETRAK et la Poste, d’une part, et entre la SORETRAK et BWS d’autre part) caressant l’ambition de mettre à disposition des autres opérateurs la même offre. À vrai dire, la SORETRAK a fait partie de la toute première cohorte des entreprises publiques opérant dans le transport terrestre interurbain à informatiser ses services et à adopter les nouvelles technologies dans une perspective anticipative de développement durable.
Un dernier jalon du quasi Benchmark apparaît clairement lors de la journée du 24 mars quand on réalise que nous ne sommes pas face à un simple PPP, mais plutôt devant un montage innovant : l’articulation d’un étage de partenariat public-public entre la SORETRAK et la Poste et d’un étage de partenariat public-privé entre la SORETRAK et l’opérateur BWS. La SORETRAK vise si haut dans le perfectionnement de ses services pour améliorer l’expérience-voyageur en temps et en confort en espérant un franc retour sur investissement. De fait, le nouveau système intègre trois composantes: système d’aide à l’exploitation (SAE), vente numérique des billets, information en ligne des passagers (SIV).
Selon Abdeljalil Zakhama, PDG de SORETRAK, son entreprise a fait évoluer ses Systèmes d’Aide à l’Exploitation et à l’Information Voyageur afin d’obtenir des informations fiables et pertinentes en temps réel selon un standard ouvert afin de gérer de façon optimale son réseau de transport dans toutes les situations et d’améliorer son efficacité opérationnelle.
Restructuration, investissement, digitalisation
« Je vais parler avec le cœur », promet Moez Chakchouk, ministre du Transport et de la Logistique, sans cacher sa fierté. Il improvise un discours en dehors des passages cloutés où il parle d’un transport tâché d’innombrables points noirs: modèles économiques dépassés, banqueroutes, problèmes d’endettement, indicateurs logistiques en régression, vieux bus polluants… alors que tout développement est impossible sans transport adapté. « On ne peut avancer si notre perception du transport est archaïque. Aujourd’hui, le citoyen doit pouvoir suivre les bus avec son téléphone portable (les temps de départ, le trajet, la réservation…).
En outre, ces informations doivent être présentes sur les moteurs de recherche et pas uniquement sur le site des sociétés de transport. En attendant mieux, c’est malheureusement Google qui est la référence des Tunisiens dans la géolocalisation. Est-ce que nous manquons de cerveaux ? Pourquoi n’adoptons-nous pas des approches différentes pour un saut qualitatif ? » commente-t-il.
Et d’insister « Le fait que la SORETRAK ait entamé cette transformation peut donner un élan positif partout. Ses réalisations doivent être généralisées. J’invite toutes les sociétés régionales à se connecter entre elles pour offrir un service de billettique intégré et améliorer l’offre finale pour le voyageur. Le partenariat public-public est aussi générateur de forte valeur pour le citoyen». Mais les improvisations n’interdisent pas la profondeur et le ministre sait pertinemment que la question du devenir des sociétés de transport est sur toutes les lèvres quand il prend l’initiative d’y répondre : « La seule solution c’est la restructuration si nous souhaitons connaître un bond qualitatif.
Et on ne peut pas parler de restructuration sans l’intégration de systèmes d’information convenables, de tableaux de bord, de récapitulatif des vrais coûts des services pour que l’État puisse savoir comment soutenir et à quel niveau. Nos priorités pour le secteur du transport : investissement, investissement, investissement… et l’accélération de la digitalisation. Ce n’est pas difficile, il nous faut seulement la volonté de changer les choses. »
Une relation Win-Win
Boutheina Ben Yaghlane, PDG de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), promet aussi de parler avec le cœur : « C’est tout un symbole qui commence à Kairouan au cœur de la Tunisie, pour un secteur vital capable d’attirer les investisseurs publics et privés. » Elle assure que la CDC soutient les efforts de l’État pour l’investissement dans les grands projets liés au transport aérien, aux ports, aux zones logistiques…sur la base de 3 buts stratégiques : Pas seulement l’appui du financement public mais aider aussi dans la dimension savoir-faire, soutenir l’effort de numérisation (pôles technologiques…), soutenir l’économie verte (transition écologique…).
Et de préciser « Le secteur du transport est le croisement entre l’économie numérique et l’économie verte ». Ben Yaghlane fait le plaidoyer d’une transformation de l’Administration et une amélioration des services publics grâce à des technologies tunisiennes. Pour sa part, elle appelle à fructifier la collaboration entre les startups et les PME innovantes avec les entreprises et les établissements publics. « Je me réjouis qu’une startup labellisée puisse aujourd’hui améliorer le service public du transport inter-urbain dans la région de Kairouan. J’espère que cette initiative se dupliquera. Notre devoir est d’appuyer ces relations Win-Win. »
À noter que l’opérateur IOT Be Wireless Solutions a été labellisé lors de la première cohorte. Ses offres vont du hardware fabriqué en Tunisie, à la connectivité en passant par les applications ‘métier’, les solutions clé en main intégrées et connectées dans le transport, l’industrie 4.0, l’agriculture, l’énergie, et les Smart cities.
Et le Win-Win est exactement ce dont parle Sami Mekki, PDG de La Poste : « La Poste et la SORETRAK ont partagé cette expérience de partenariat Public-Public et nous avons l’espoir de la réitérer… Nous savons pertinemment que le secteur public n’a pas bonne presse mais quand les efforts se conjuguent, nous sommes capables de proposer des solutions à grande valeur ajoutée.
Nous sommes à la disposition de toutes les sociétés de transport terrestre pour développer de telles applications. » Mekki souligne que si on digitalise, c’est pour améliorer les services et que La Poste est pionnière dans ce sens alors qu’elle fait partie du dispositif de l’État visant à limiter le cash et à généraliser le paiement électronique…