Comme l’exige la Loi, le Gouverneur de la BCT était présent devant l’ARP pour présenter sa vision de la situation économique du pays et celle de l’institution qu’il préside.
Marouan Abassi était fidèle à lui-même, avec un discours clair et simple qui peut être résumé en une phrase : la situation est critique et s’en sortir est possible à condition d’avoir un minimum de stabilité politique.
À la suite de la pandémie, l’économie réelle s’est effondrée et l’État doit trouver les ressources pour fonctionner d’une part et booster les trois moteurs de la croissance d’une autre part, à savoir l’investissement, l’export et la consommation. Ces trois drivers ont été largement affectés. Fin 2020, tous les indicateurs sont au rouge : l’épargne nationale ne pèse que 4% du PIB et le taux d’investissement est à son plus bas niveau à 13,3%. De plus, l’État a dû soutenir les populations qui opèrent dans l’économie souterraine et qui ont également reçu de plein fouet les conséquences de la crise.
Sur le plan macroéconomique, le point le plus dangereux est le déficit courant qui est passé à 6,8% fin 2020. Bien que ce soit élevé, sa réduction de 11,1% en 2018, est un succès à saluer. Idem pour l’inflation qui a reculé à moins de 5% en 2020. Néanmoins, l’inflation reste la responsabilité de tout le monde, et non seulement celle de la BCT. En faisant indirectement illusion aux augmentations salariales, le Gouverneur a insisté sur le fait qu’offrir des rémunérations sans une contrepartie réelle de travail est une source directe d’appréciation des prix.
L’inflation dépend naturellement du Taux Directeur. Selon Abassi, le faire baisser n’est pas une question simple comme le présentent certains experts. Pour les politiciens qui défendent la thèse de la réduction des taux, ils ont la possibilité de légiférer un mécanisme de bonification au profit des entreprises.
Un travail qui est en train d’être accompli pour le lancement d’un fonds de retournement qui permettra aux entreprises, publiques ou privées, de trouver les ressources nécessaires pour continuer l’exploitation et l’investissement. L’objectif aujourd’hui est de pouvoir garder les entités qui existent plutôt que d’investir dans de nouvelles.
Sauver l’économie nécessite une focalisation totale sur les exportations. La Tunisie dispose de moyens importants qu’elle n’est pas en train d’exploiter, dans les phosphates, le pétrole, les industries manufacturières et dans les marchés limitrophes. Cette situation accablante nous interdit de profiter du rebond économique de l’Europe et des mouvements de relocalisation des investissements dans la Méditerranée.
L’autre chantier important est le financement de l’État. Le Gouverneur a souligné à quel point le recours à la planche à billets constitue un risque. Son utilisation ne peut conduire qu’à l’exemple vénézuélien. Pour ce qui est des financements externes, la Tunisie est incapable de sortir aujourd’hui sur les marchés. Moody’s nous a déjà dégradé et Fitch a accepté de reporter sa mission à fin juin. Si d’ici cette date, des mesures ne seront pas prises pour doper la confiance dans l’économie tunisienne, nous serons sans doute dégradés.
La seule solution pour émettre de la dette souveraine est un accord avec le FMI. Ce passage obligatoire est inéluctable et ceux qui ne l’apprécient pas n’ont qu’apporter des alternatives. In fine, c’est une institution où la Tunisie doit être présente et doit utiliser tous les moyens pour se défendre et en tirer profit.