Les confinements et les restrictions mises en place par le gouvernement pour essayer de ralentir la propagation du coronavirus ont eu un impact important sur la filière laitière en Tunisie. Avec l’absence presque totale des touristes et le ralentissement drastique de l’activité dans les cantines, les cafés et les restaurants, la demande pour le lait, les produits dérivés, a de fait été réduite à son plus bas niveau depuis des années.
Les vaches, quant à elles, ne se sentant pas concernées par ce qui passe autour d’elles, continuent de produire du lait à leur rythme naturel. “Nous sommes actuellement en période de haute lactation”, nous informe Leith Ben Becher, membre du syndicat tunisien des agriculteurs. Cette inadéquation entre l’offre et la demande sans ajustement aucun ne peut donc avoir des conséquences néfastes. Et c’est exactement ce qui s’est passé.
Car, face à une faible demande en produits laitiers, les industriels ont décidé de ralentir la production et donc, l’achat de la matière première auprès des centres de collecte. Ces derniers, non contents de cette décision, ont donc annoncé l’entrée dans une grève qui se poursuit dès aujourd’hui jusqu’au 14 mai prochain.
Résultat: les agriculteurs producteurs de lait ne seront pas capables de livrer leur production aux centres de collecte et subissant ainsi des conséquences financières importantes. Et la situation est loin d’être en voie de résolution: la chambre syndicale des collecteurs a déjà annoncé qu’elle envisage une deuxième grève si l’on ne propose pas de solutions. Celle-ci sera, quant à elle, ouverte.
“La seule victime de ce bras de fer entre les collecteurs et les industriels n’est autre que l’agriculteur”, a noté Ben Becher. Contacté par Le Manager, le membre du bureau exécutif du Synagri a indiqué que les agriculteurs souffrent déjà d’un déséquilibre entre une production dispersée sur plus de 120 mille éleveurs et une industrie consolidée dont le plus grand acteur représente les trois-quarts du marché.
À ce titre, Ben Becher a indiqué que même l’augmentation de 0.1 dinar, décidée le mois dernier au profit des producteurs, n’a toujours pas été appliquée. La perturbation que connaît actuellement la chaîne d’approvisionnement de la filière laitière est de son côté le résultat d’un manque de planification et de préparation de la part du gouvernement.
Y a-t-il des issues à cette situation ? D’après le membre du bureau exécutif du Synagri, toute solution doit commencer par instaurer une meilleure organisation du secteur de manière à assurer la pérennité des producteurs de lait. Il a aussi appelé les collecteurs et les industriels à améliorer leurs capacités de stockage de manière à pouvoir répondre aux besoins des producteurs. “Il faut que l’État impose un régime de quota afin de pallier au déséquilibre entre la production et la capacité de stockage”, a précisé notre interlocuteur.
Et pour faire face à la baisse de la demande, le représentant du Synagri propose la réduction de la TVA sur les produits laitiers dérivés afin de rendre plus bon marché ces produits. Et si le marché local n’est pas en mesure d’absorber la production nationale, Ben Becher propose d’ouvrir la porte de l’export. Il a appelé dans ce cadre le gouvernement à jouer son rôle dans le cadre de la diplomatie économique pour ouvrir des marchés d’export au lait tunisien. “Le lait tunisien peut trouver des consommateurs dans plusieurs marchés voisins”, a-t-il indiqué.