C’est une réponse à tous ces jeunes actifs de 18-35 ans qui ont besoin d’aller au travail, de se déplacer pour leurs études, de se faire des livraisons Food, qui ont besoin de produits et services dans les médias et la fashion, qui veulent se passer de cash. Connaissant les complications du transport dans les villes africaines, Lamma commence par le covoiturage et puis, tous les mois, ajoutera de nouvelles fonctions pour une offre très complexe.
Yassir El Ismaili est un nomade de l’ère digitale qui a roulé sa bosse pour plusieurs grandes entreprises telles qu’Accenture et Airbus. Il a été aussi General Manager à Careem Maroc avant de tenir les rênes de Tayara Tunisie, le 5ème site le plus consulté en Tunisie selon Alexa. Aujourd’hui, il s’engage dans une nouvelle aventure. Et de révéler « Anciens de Tayara, nous avons réfléchi à un projet à mener ensemble sur le créneau des jeunes actifs 18-35 ans où l’Afrique serait notre terrain de jeu en partant de la Tunisie. Ces jeunes actifs ont besoin d’aller au travail, de se déplacer pour leurs études, de se faire des livraisons de Food, ils ont besoin de produits et services dans les médias et la mode, ils veulent se passer de cash. Nous savions que la technologie pouvait satisfaire ces besoins dans une seule et même application et nous nous sommes inspirés de ce qui se passe en Asie du sud-est et en Amérique Latine où des startups ont répondu à ces besoins », nous confie Yassir El Ismaili à propos de l’idée fondatrice de la startup Lamma.
Un marché de mobilité urbaine overcrowded
L’équipe a commencé par développer une application de covoiturage avec un credo de base : leur application ne devait pas être plus chère que les applications sur les taxis (les gens qui utilisent celles-ci le font deux ou trois fois par mois). C’est gagné ; depuis que l’abonnement a été lancé, il y a des clients qui utilisent l’appli Lamma plus de 20 fois par mois ; de fait tous les jours.
« Nous connaissons le transport dans les villes africaines ; c’est très compliqué et il fallait trouver une solution de transport quotidien : c’est le covoiturage. On l’a démarré et cela marche plutôt bien et là, nous nous apprêtons à lancer la seconde version d’ici deux mois avec du Food Delivery et puis tous les mois, nous allons ajouter de nouvelles fonctions pour une application très complexe où il y aura tous les produits et services, puis ce sera le lancement au Maroc à partir de septembre », atteste notre interlocuteur pour décrire l’énorme œuvre accomplie et pour se rendre à l’évidence qu’il était temps pour lui de se consacrer à 100% à ce projet et de quitter Tayara.
C’est en s’engageant totalement qu’il compte se distinguer sur le marché de la mobilité urbaine qui est overcrowded. Il prend ses repères dans des villes comparables à Tunis, par exemple Amman en Jordanie. Et de préciser « tous les acteurs tunisiens ensemble ne parviennent pas à la moitié de ce qui existe à Amman. Mais ce n’est que le début chez nous, alors qu’à Amman, cela fait 6 ans que cela existe et 5 ans au Maroc». Yassir El Ismaili est optimiste sur le potentiel de ce secteur : « Il y a de la place pour tout le monde. Nous travaillons sur la dimension aller-retour au travail pour proposer le prix le moins cher possible.
Les gens acceptent de faire un détour et on peut mettre plus de gens dans la voiture et donc baisser les prix. On exploite tous les jours le créneau de ceux qui peuvent se permettre une course moyenne à 10, 15 ou 20 dinars dans les applications concurrentes ; il y a des gens qui nous utilisent pour aller au travail et qui, le soir, utilisent des confrères. C’est très bien ainsi, on ne cherche pas à répondre aux mêmes besoins. » Selon lui, le marché est énorme (à 1,5 million de courses potentielles par jour à Tunis) et plus, il y aura des concurrents, plus les gens vont laisser tomber leurs voitures, moins il y aura d’embouteillages.
Prochaine étape à l’étude ; le transport individuel en scooter et avec les taxis en sachant que la réglementation tunisienne ne permet pas encore le VTC (véhicule tourisme avec chauffeur) qui se fait largement en Algérie, Égypte, Maroc.
Accélérer en toute discrétion !
Côté financement, Lamma a eu la confiance d’un accélérateur ; Flat6Lab. Une entreprise internationale a également décidé de la soutenir, ce n’est pas seulement une question d’investissement, plutôt de la confiance et du mentorat. Lamma va bientôt boucler sa première année avec 15 000 clients qui lui sont très fidèles. Cela coïncide avec la seconde étape à partir de laquelle elle réfléchit à une levée de fonds pour passer à la vitesse supérieure… en toute discrétion : « Durant cette première période, nous avons surtout travaillé les fondamentaux (la rétention des clients, travailler la Data Analytics…). Nous sommes une équipe très solide : 13 personnes dont certains au Maroc. Jusque-là, nous n’avons pas cherché à communiquer. »
Yassir El Ismaili nous parle d’une pub alternative qui reposerait énormément sur le bouche-à-oreille en plus de quelques petites campagnes extrêmement précises pour cibler la fameuse population des 18-35 ans en professant la conviction que la confiance et la fidélité sont plus importantes que l’apport de nouveaux clients. Tous les matins, l’équipe commence par le décryptage des données de la veille et de la semaine passée, examine les commentaires des clients, analyse les comportements des utilisateurs. Des indicateurs de comportement qui lui permettent de comprendre dans le détail et de décider des actions à mener.
L’action typique est la déclaration de l’offre qui s’appelle « abonnement ». C’est la manière de souscrire une fois par mois, de payer à l’avance et ensuite de prendre un nombre important de courses dans la semaine et pendant le mois sans avoir à payer. Cela a eu un énorme succès. « Nous sommes quasiment dans l’individuel très informatisé et très calculé pour optimiser les coûts du client… C’est un peu le nerf de la guerre de gens qui sont comme nous issus de la Data », poursuit notre interlocuteur. Envisageant le développement de la startup, ils souhaitent que le centre technologique reste à Tunis.
Un projet pris à bras le corps par ces 4 cofondateurs qui se complètent parfaitement : Ridha, Hamza, Aymen, Yassir ; des profils très différents pour des compétences complémentaires. « Aymen est le patron des opérations qui sait exécuter les opérations d’une manière extrêmement précise, qui peut gérer des flux ; Ridha va être la tête du produit ; Hamza est extrêmement puissant dans la préparation des lancements ; et Yassir qui est un peu le couteau suisse, entre les fiances et la stratégie… », déclare Yassir. Ce qui les lie, c’est encore l’expérience Tayara. Et d’ajouter avec un brin d’émotions « C’est une très bonne entreprise issue d’une longue réflexion. Nous y avons laissé une équipe et une stratégie et je vais accompagner le nouveau patron de Tayara qui arrive dans deux semaines ; c’est un Tunisien qui a fait toute sa vie en France et qui a voulu retourner dans son pays pour développer cela. Tayara sera toujours une partie de moi-même. »